Premier opus, Détective Dee : Le mystère de la flamme fantôme (2011), amorçait la renaissance de Tsui Hark, et constituait la preuve irréfutable que l’on pouvait retrouver les grâces du public après une traversée du désert longue de 10 ans. Car le réalisateur traîne un lourd passif : l’homme derrière des réussites telles que Vengeance et Il était une fois en Chine est aussi le père de quelques beaux nanars (Time and Tide, Missing). Le deuxième épisode des aventures du détective/super-héros allait-il confirmer ce second souffle ?

Adoptant la forme du prequel, recette narrative dont le public contemporain est friand, Détective Dee II : La légende du Dragons des Mers, conte les premières aventures de son héros cynique au flair bien aiguisé. Fraichement débarqué dans la capitale pour prendre ses nouvelles fonctions, Dee est rapidement sollicité par l’Impératrice pour résoudre une délicate affaire de Dragon aquatique. Si le point de départ de l’histoire lorgne vers le fantastique, le film tient à conserver une certaine « vraisemblance » historique. Jusque dans sa direction artistique, ces décors aux couleurs pastel, ces toges dont les longues capes ondoient au moindre élan et, dans les scènes de combat, ces corps légers comme des plumes semblant s’étirer à l’infini en fendant les airs… Alors, petit à petit, le film se mue en un matériau gracile, élastique, aux contours diffus mais secs, à l’image de ces dessins à l’encre de Chine qui ornent les vieux livres de légendes. C’est sûrement la plus grande prouesse du réalisateur que d’organiser un dialogue visuel entre sa fable et la culture de son pays.

Expérimentateur hors-pair, le réalisateur a toujours composé ses films comme des objets hybrides, des thrillers empreints de fantastique aux contes moraux imprégnés de folklore Chinois. A juste titre, le deuxième opus de Détective Dee orchestre la rencontre plus ou moins improbable entre une certaine idée du jeu vidéo moderne et le film de monstre tendance RKO (l ‘ombre de La Créature du Lagon Noir plane sur la première moitié du film). Du jeu vidéo surtout, pour cette caméra omnisciente, toute-puissante, affranchie des lois de la physique, qui traverse les sols et les murs, navigue dans la temporalité et transperce la chair humaine comme une flèche décochée à pleine puissance. Au cœur de cette profusion d’image, la tête du spectateur virevolte, son regard s’accrochant partout et nulle part à la fois. Tantôt, à un infime détail mis en surbrillance (encore un héritage du jeu vidéo), tantôt, dans la confusion des combats, à un simple coup de poing, parmi les millions de mouvements percutant sa rétine. Qu’importe si l’œil ne voit pas tout, car le film tient autant de l’expérience physique que du cinéma. Dans Détective Dee II pas un plan n’est épargné, des décors aux costumes, chaque pixel regorge de détails graphiques et offre une multitude de trouvailles scéniques. Exit le classicisme pompeux de ses premiers films : le nouveau cinéma de Tsui Hark est une ode au jusqu’au-boutisme visuel, au risque de virer à l’orgie d’images.

Aussi, pour apprécier Détective Dee II à sa juste valeur, faut-il être prêt à supporter une intrigue un poil alambiquée et quelques scènes flirtant dangereusement avec le kitsch. Les autres, spectateurs novices ou simples curieux, périront noyés sous un maelstrom de ces visions hystériques et blagues potaches dont l’auteur a le secret. Car Détective Dee II n’est pas non plus le chef-d’œuvre espéré. Parce ce qu’il est trop long, que son fil narratif se morcelle douloureusement sur la fin du film et qu’il n’offre guère de profondeur à ses personnages, une impression persiste au sortir de la salle : et si, finalement, tout ce spectacle, au-delà de la magnifique orchestration du maestro Tsui Hark, n’était qu’un pur prétexte pour d’offrir au public son poids en combats et en 3D ? De cette possibilité, nous vous laisserons seul juge.
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le 19 août 2014

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