Néophyte en Wu Xia Pian, le tout m'a paru confus... mais j'ai quand même pris mon pied

Honte à moi, je n’avais encore jamais vu un seul film de Tsui Hark. Je comble donc mes lacunes, car qu’est-ce que la quête cinéphilique, ou la quête artistique, si ce n'est de combler un manque de connaissance perpétuel ? Je m’attaque alors à ce film, Detective Dee : Le mystère de la flamme fantôme, premier volet de la trilogie Detective Dee, qui est peut-être le film de Tsui Hark le plus connu avec Time and Tide et The Killer. Et je continue de découvrir aussi ce qu’est le Wu Xia Pian, dont je ne connais que The Assassin de Hou Hsiao-Hsien, qui m'a l'air d'être un Wu Xia Pian à part. Ce film permet en somme de m’ouvrir à pleins de pans du Cinéma qui me sont véritablement inconnus.


Et honnêtement, je ne savais pas trop à quoi m’attendre avec ce Detective Dee. Comme dans The Assassin, j’ai eu du mal à intégrer tous les personnages et tous les enjeux, même si les films sont totalement différents. Il y a une telle polyphonie visuelle, un tel florilège de personnages que je m'y suis rapidement perdu. Si The Assassin est un film totalement contemplatif, une oeuvre hypnotique et singulière, Detective Dee est un pur film d’action, un pur film de spectacle (et quel spectacle !). Et la mise en scène de Tsui Hark est évidement grandiose ! On a là une oeuvre jouissive au possible. Alors j’ai eu du mal à m'immergé dans l’oeuvre, du fait justement de ce manque de repères au niveau de l’intrigue et des personnages, moi qui suis un néophyte total de ce genre de Cinéma. Mais malgré ça, j’ai pris mon pied, c’est esthétiquement magnifique !


Ce que j’ai beaucoup aimé, c’est les décors et leur interaction permanente avec les personnages ; car ils ne cessent d'interagir avec le décors, qui dépasse ainsi sa fonction primaire, à savoir la représentation du lieu où se déroule l'action. Non, ici, le décor n'est pas qu'une représentation, mais bien un véritablement objet cinématographique, il sert l'évolution dramaturgique du film avec brio, il est presque vivant. Tsui Hark ne filme pas des situations (comme c’est souvent le cas dans les films d’actions) ; il fait véritablement du Cinéma, du grand Cinéma d’action, peut-être parfois trop millimétré, mais c’est une petite leçon de mise en scène tout de même dans le genre. Puis, comme dans The Assassin, j’y ai retrouvé ces mille couleurs qui parsèment l’oeuvre, lui donnant donc une lumineuse beauté. Il y a tout un travail sur la perception de la couleur ; et il doit y avoir un symbolisme derrière, un symbolisme que je n’ai pas cerné malheureusement.


L’intrigue en elle-même je la trouve passionnante ; j’aime tout ce qui correspond à des jeux politiques, à des luttes dynastiques, et tout cela se double d’une certaine crainte qu’une femme soit le chef, le gérant. L'intrigue télescope ainsi pleins de sujets politiques ! Mais c’est traité d’une manière à laquelle je ne suis pas encore habitué, ce qui fait que j’ai souvent été perdu, mais ce n’est pas si grave ; l’oeuvre est si bien faite que l’on peut faire abstraction de cela. Et plus je me familiariserais avec le Wu Xia Pian, plus j’arriverais, je pense, à m'habituer à cette narration si éloignée de ce que nous, public occidental, avons l’habitude de voir (lorsque nous sommes néophytes, évidemment). Ce sont des codes à intégrer. Mais ça explose mon envie de découvrir plus de films de cette veine là, et donc de continuer la trilogie de Tsui Hark - et son cinéma, de manière plus général.


Les scènes de combats sont absolument magnifiques, notamment cette première scène d’action sous la neige absolument dantesque. Il y a une telle esthétique du combat, un tel dynamisme et une telle maîtrise des valeurs de plan que cela contribue au côté absolument jouissif de l’oeuvre. C’est un peu ce que l’on peut ressentir dans Kill Bill je pense, et ce genre d’oeuvre a dû fortement inspirer Tarantino (pas celle-ci en l'occurence, puisqu'elle est sortie après le film de Tarantino). Tsui Hark a même réussi à me faire aimer l’utilisation du ralenti (qui est loin d’être abusive bien entendu), qui renforçait la tension, et même l’excitation de certains combats. Car oui, il y avait, pendant le visionnage, une certaine excitation du combat, une excitation de la violence cinématographiée, ce sentiment propre à l’homme, une forme de jouissance de la souffrance et du mal.


Pour autant, malgré toutes ses qualités et pleins d'éléments que j'ai adoré, j'émettrai deux réserves sur le film. Deux réserves qui sont d'ailleurs largement influencées par ma méconnaissance du genre. La première, c'est que j'ai trouvé ça trop long... et quand on n'est pas encore familiarisé avec ce type d'oeuvres, c'est vraiment dur à suivre, et parfois, l'ennui guette et finit par s'installer. Mais cela est entièrement ma faute ; après tout, il est vrai que l’on est responsable de son propre ennui. Comme il est vrai que lorsque nous n’aimons pas un chef-d’oeuvre littéraire, ce n’est pas la faute de l’oeuvre, mais bien la nôtre. La seconde réserve, quant à elle, concernerait la narration. Disons que le film ne s'arrête jamais, tout s'enchaîne à une vitesse folle, et cela laisse peu de repos au spectateur. En réalité, c'est une oeuvre quelque peu éprouvante, même ai c'est formidablement bien rythmé. Mais de nouveau, pour un néophyte du genre, un peu de repos et de contemplation aurait fait beaucoup de bien, et c'est pour cela que j'ai littéralement adoré The Assassin, qui était une oeuvre d'une extrême lenteur et qui stimulait notre organise visuelle, laissant place à cette fameuse ‹‹force éjaculatrice de l'oeil››, pour citer Bresson. Ici, nous alternons entre séquences de combat et séquences très dialoguées, et c'est un peu épuisant pendant 2 heures. Mais encore une fois, ce n'est pas un défaut, et en aucun cas cela constitue un jugement de l'oeuvre, cela constitue simplement un critère d'appréciation personnelle. Et du coup, je suis parfois sortie du film, notamment la première heure passée. Quelque part, j'attendais la fin... Une fin de toute beauté qui plus est ! Il y a là une des plus belles plongées du Cinéma ; et le plan finale est extraordinaire.


Ainsi, malgré mes réserves, je ne reste pas moins admiratif du film de Tsui Hark ! Certaines scènes figurent parmi les plus jouissives que j’ai pu voir. Mais je sens également que je n’ai pas tout le bagage culturel de ce type de Cinéma pour pouvoir l’apprécier pleinement, à sa juste valeur. En tout cas, ça me donne envie d’approfondir à la fois Tsui Hark, le Wu Xia Pian, et mes connaissances tellement lacunaires de l’histoire de la Chine médiévale. Rien que pour cela, c’est une réussite, en plus d’être une expérience visuelle géniale !

Reymisteriod2
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le 1 févr. 2020

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