D'abord, les premières minutes donnent déjà le ton de la suite. Le grain de l'image est vintage, semblable à celui des péplum, et n'augure rien de bon. Ensuite, on remarque alternativement une disparité entre la «fraîcheur» de l'image et son côté «usé», en fonction de si oui ou non le plan est pourvu des pathétiques effets spéciaux qui renforcent l'impression de voir un Bollywood ou une série Z diffusée en 2ème partie de soirée sur M6, au choix... Pour vous faire une idée, on n'est pas loin des films de Bruce Lee et des 36 poings vengeurs de Shaolin en terme d'esthétique kitsch.

Si je me souviens bien, je n'ai jamais vu une réalisation aussi hétérogène. Les plans foireux (comprenez amateurs) et luxueux (professionnels en slow-motion) se succèdent sans queue ni tête. Cela donne un aspect déplorablement brouillon à l'ensemble, et ne captive pas mais donne toujours matière à prendre du recul, toujours plus... jusqu'à décrocher. Parce qu'il n'a même pas ce rythme « foufou » que les convertis vantaient tant. « On en sort épuisé », « cela ne s'arrête jamais ». Que nenni, les scènes de parlotte et d'action se succèdent académiquement (ah un peu d'ordre dans ce monde de brutes !) pour ne pas noyer une intrigue fatalement simplette digne d'un jeu vidéo (film de « geek » ?). Toutefois, les dialogues portés au service de l'action (comprenez épurés) apportent quand même leur lot de surprise, et de rigolade, volontaire comme involontaire. C'est notamment le cas quand un cerf (mal modélisé, évidemment) prend la parole et se couvre lamentablement de ridicule, et ce même en VO... De très loin, on y retrouve donc un peu du Miyazaki de Princesse Mononoké pour ce côté fantastique, mais aussi pour le contraste réussi accordé à des lieux qui se distinguent nettement par leurs reliefs.

C'est donc ce qui manque clairement à ce divertissement : de l'occidentalisation. Alors que certains y voient un avantage, j'y vois une tare. Pourquoi ne pas prendre exemple de l'autre côté de la force : le Japon ? Pourquoi ne pas s'inspirer de Johnnie To par exemple, qui fait tant rimer Asie et Occident ? Au lieu de ça, ce genre de spectacle « bioman » (Les Inconnus) a tant été parodié dans nos contrées, qu'il est impossible de ne pas se placer dans la posture du cynique. Après tout, peut-être que le ridicule ne tue pas en Chine... Qu'il n'existe tout simplement pas... Ou je serais plutôt partant pour dire qu'il n'est pas le même. Comme l'occident a pu à l'inverse s'inspirer de l'Asie, on y retrouve en toute logique de la graine de Kill Bill dans l'exhubérance des combats et de certaines poses qui ne passent étrangement pas pour « cool » comme ça pouvait être le cas dans le film de Tarantino.

En somme, c'est un nanar qui s'assume très peu en tant que tel. Quelques scènes sont volontairement drôles, mais la plupart des plans se rendent ridicules par la trop grande importance accordée aux chorégraphies des combats, façon Power Rangers, ou tout simplement à cause du grand décalage vis-à-vis de ce qui constitue le « beau » ou l'« artistique » à mes yeux d'occidental. En cela, il suffit de regarder l'accoutrement du blond peroxydé déguisé en Link du côté obscur de la force, pour verser une petite larme de rire puis de deuil pour enterrer ce qui aurait pu être un bon film. Néanmoins, par son caractère exotique fondamentalement insaisissable, DD peut s'avérer respectable. Il est toujours possible de le qualifier d'OVNI de génie si on admet que la force de Tsui Hark réside dans sa capacité à mélanger les genres pour faire partir son film dans tous les sens tout en le faisant retomber sur ses pattes. En tout cas, personnellement, j'ai choisi mon camp. C'est quand même à se demander comment Positif a pu l'approuver... Un film d'avant-garde ? On est mal barré...
Adrast
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le 9 juin 2011

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