Excusez ce titre neuneu mais si je prends le clavier, c'est avant tout pour dire un ENORME merci. Ou plutôt, deux.


Le premier, c'est au magazine Mad Movies, très discuté aujourd'hui par ses fans de la première heure mais qui depuis 12 ans nourrit ma cinéphilie, m'ouvre des portes vers des tas de sous-genres barrés. Pour caricaturer, c'est grâce à eux si je m'intéresse au porno expérimental autant qu'à Miyazaki. Et en 2012, pile dix ans après le début de notre relation, ils accordent quelques pages à Detention. Jamais entendu parler. Pourquoi tant d'enthousiasme ?


Un DTV parmi d'autres, qui a l'air bien déjanté certes mais qui est tout de même signé Joseph Kahn, clippeur dont le premier film, Torque : la route s'enflamme, faisait passer 2Fast 2Furious pour du Mankiewicz. Motivé, je me me procure quand même la chose, d'autant que je viens de découvrir Breakfast Club, dont il se veut l'héritier. Et là, c'est la fin. Peu de comédies me font rire, c'est mon drame. Je viens de trouver la réponse à mes prières...


"I'm Taylor Fisher....and I'm a bitch !
B.eauty
I.ntelligence
T.alent
C.harisma
H.oobastank...


What ? They're good."


Ca dure cinq secondes et je suis déjà plié. Une jeune bimbo dont la suffisance illumine son petit monde brise d'emblée le quatrième mur et se présente à nous. Juste avant d'épeler BITCH à sa sauce, un jump cut inversé laisse la place pour que les définitions apparaissent à l'écran, lettrage qu'elle pointe nonchalamment du doigt. André Bazin en aurait rendu son déjeuner. Moi, je suis à deux doigts de l'assistance respiratoire.


Lire le pitch de Detention ne sert absolument à rien sinon à se spoiler bêtement. Sachez juste qu'il est question d'une comédie transgenre où un tueur masqué (Sangdrillon, ou Cinderhella en VO !) s'en prend aux élèves d'un lycée. Mais résumer "Detention" en une phrase revient à dire d'un grand pâtissier qu'il fait un excellent crumble. C'est gentil mais réducteur, horriblement vague.


Film poupées russes dont chaque virage cloue au sol, Detention expérimente au sein du cadre, se paye un générique hallucinant, baigne dans la culture musicale et ciné des 90's avec une délectation jamais feinte, explose les manifestes bariolés de Gregg Araki niveau folie conceptuelle. Et laisse éreinté, sonné, heureux comme après une nuit de biture la veille des résultats au Bac. S'autorisant toutes les entorses à une narration classique, Detention investit si habilement son statut d'objet théorique qu'il en extrait constamment une cascade d'idées, bien décidé à embarquer qui le voudra dans un délire qui a tout compris de cet instant étrange où, arrivé à terme de ces trois ans, on franchit une dernière fois la porte du lycée, tout aussi incertains que quand on est arrivé.


Detention n'a aucune règle, aucun manuel. Ce qu'il chérit, c'est une ligne de conduite. S'il compte parmi mes films préférés sur l'adolescence, c'est parce qu'il ne veut pas simplement la représenter mais en (faire) ressentir le feeling, l'envie de tout faire, tout de suite, tout le temps. Libre, il ouvre des pistes narratives où tout peut arriver, sans sacrifier ses personnages. Et quels personnages, d'ailleurs... Armé d'un souci de caractérisation qui va aussi vite que son montage, Detention les croque avec un amour démesuré. Gagnant comme perdants, auto-caricatures ou blasés malgré eux, les teenagers existent tous à l'écran, portés par un cast atomique.


La tête dans le guidon et le coeur sur la main, filant à tout allure, plein de sagesse mais ivre d'un joyeux bordel sous contrôle, bourré de cadres soignés, d'idées méta-textuelles et de parenthèses d'un autre monde, Detention ne reprend jamais son souffle. Tout ça pour mener à une conclusion d'une grâce folle, reprise du monologue de Breakfast Club dont découle une tendresse infinie pour la jeunesse. Et pour la sensibilité dont elle sait faire preuve...


Et enfin, le second merci s'adresse à la Cinémathèque de Toulouse. Ils diffusaient le film ce 8 Novembre à 22h. J'ai vu Detention en salle. Joie. Avec des gens autour qui heureusement ont ri aussi fort que moi. Voir ce film seul étant une aberration (je l'ai compris à sa découverte), j'y ai traîné une amie (salut @Juliett). Coup de foudre aussi. 90mn décidément trop courtes mais pleines comme un oeuf...


Detention, je te kiffe. Shanley Caswell, ta comédienne principale, ici en magnifique loseuse, je l'aime de tout mon coeur, autant que son personnage. J'en serais devenu fou si on avait été dans le même bahut. Il me reste à revoir ce film en boucle avant d'être trop âgé pour m'y sentir chez moi. Detention n'a pas eu droit a une sortie ciné. Ce soir c'était grand écran, VOST & public euphorique. On the rocks, baby.


NOTE : ne regardez pas la bande-annonce, qui en révèle beaucoup trop en plus de ne pas rendre justice à l'esprit du film.

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le 9 nov. 2014

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Fritz_the_Cat

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