Étincelante dans le cynisme morne du cinéma et de la société, l’œuvre lumineuse des Farrelly est peut-être la plus discrètement essentielle de ces dernières années.

Par ce corpus d'une cohérence incroyable et d'une qualité constante, renouvelant la comédie US en liant au romantisme mélancolique des plus beaux films hollywoodiens la crudité régressive des plus jouissives. Par ce que ces frères géniaux ont initiés une fratrie de sensibilités (Apatow, Stiller, etc…) qui représente pour moi la plus belle exploration du spectre des relations et des émotions humaines.

Par cette pléiade de marginaux sublimes qu’ils érigent en héros de leurs fables touchantes : timides maladifs, pieds-marchés, personnes handicapées par les mots, par leur corps, par leur cœur, les Farrelly témoignent chaque fois d’un amour inébranlable envers leurs personnages, des personnages qu’ils ne trahissent jamais, pas même pour un rire.

Au firmament de cet Univers étoilé d’espièglerie et de tendresse : Deux en un, leur constellation des Gémeaux, chef d’œuvre définitif de frères-cinéastes, encore écrin merveilleux pour ses personnages, astres jumeaux magnifiques portés par l’incandescence de deux acteurs fantastiques. Dans le regard des autres, ces frères que tout oppose mais que rien ne sépare sont des monstres, chacun étant le handicap de l’autre, la tumeur de l’autre. Sous le regard des Farrelly, ils deviennent un équilibre de forces, ce pont de chair qui les relie est comme l’incarnation organique de l’osmose qui étreint les deux frères réalisateurs, s’incarnant ici en personnages touchants dans leur conscience muette de leur étrangeté, et dans leur optimisme autiste du regard que le monde leur adresse.

C’est aussi un terrain de jeu poétique et cinématographique passionnant que de mettre en scène un personnage qui ne peut jamais être encadré physiquement et intégralement seul par la camera. Ici, les frères Farrelly s’y amusent avec intelligence et tendresse, exploitant toutes les possibilités géniales que cela entraine : réinvention de la solitude à deux et de la relation en chiffre impair avec l’autre, amputation magique du hors-champ,…

Hollywood, cet autre cirque humain, foire bigarrée, pleine de monstres pathétiques, effrayants et touchants (Cher, monumentale dans un numéro d’autodérision d’une acidité incroyable) est encore ce décor étrange de l’autre-côté-de-l’arc-en-ciel, achevant de donner au film la puissance simple et pérenne des fables et des rêves de cinéma.
Omael
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le 27 avr. 2014

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