Un portrait social magnifiquement mis-en-scène par des frères Dardenne toujours au top!

"Deux Jours, Une Nuit" est un portrait d'une femme simple, une femme forte de la vie de tous les jours, vulnérable mais non moins courageuse. Les frères Dardenne parviennent encore une fois à marquer les esprits par leur mise-en-scène tournée vers le cinéma du réel et les messages de solidarité et d'espoir qu'ils véhiculent, misant sur la simplicité du propos mais jamais sur la facilité. Aussi, ils nous dressent ici un éventail très révélateur des différents profils et comportements humains de la société d'aujourd'hui.

Présenté en sélection officielle du Festival de Cannes en cette année 2014, le nouveau film des frères Dardenne séduit par sa mise-en-scène et son message social universel. Le film n'a peut-être pas remporté la Palme d'Or, mais il vient se rajouter au palmarès des meilleurs films des frères réalisateurs, au même titre que "Rosetta" ou "L'Enfant". Marion Cotillard y incarne brillamment Sandra, une femme qui a un weekend pour aller voir ses collègues de travail et les convaincre de renoncer à leur prime pour lui permettre de garder son travail, le tout avec l'aide de son mari.

C'est fou à quel point une histoire en apparence très simple puisse avoir une portée sociale et émotionnelle aussi grande! Marion Cotillard est tout simplement parfaite dans ce rôle, au même titre qu'Emilie Dequenne l'était en Rosetta. Sandra est une femme comme beaucoup d'autre, faisant partie de la classe sociétale souvent et injustement qualifiée d'« inférieure » ou de « pauvre », elle a ses problèmes dans la vie comme beaucoup d'autres, mais elle s'accroche tant bien que mal avec l'aide de son mari et se bat pour tenter de garder son travail. L'enjeu est simple mais à portée universelle. Les frères Dardenne parviennent à travers ce film à illustrer la notion d'espoir, en suscitant une empathie pour cette femme à la fois fragile et déterminée.

Ainsi donc, tout au long du film, nous voyons Sandra s'adresser à ses collègues et leur demander la même chose. Là encore, où l'on aurait pu s'attendre à des répétitions dans chaque scène, les frères Dardenne parviennent à rendre unique chaque rencontre, chaque personnage et chaque relation. Certains collègues refuseront net de renoncer à leur prime, d'autres accepterons sans hésitation et d'autres encore aurons des avis et des décisions diverses. A travers cette mise-en-scène, les frères Dardenne nous dressent en quelques sortes un éventail des différents profils et comportements de la société telle que nous la connaissons. Le cinéma des frères est décidément bel et bien un cinéma "du réel", tourné vers la société et les valeurs de solidarité, le tout avec une mise-en-scène misant souvent sur la simplicité, compréhensible de tous, mais jamais sur la facilité.

Du point de vue technique, les frères Dardenne restent fidèle à leur façon de tourner, avec cette caméra épaule suivant le personnage de Sandra dans ses moindres faits et gestes, et avec cette texture du son donnant toute sa présence et son authenticité aux voix des personnages, sans jamais être perturbée par une quelconque musique de film dictatrice de nos émotions. Cela dit, la méthode Dardenne a tout de même évolué depuis "Rosetta", comme nous avions déjà pu le remarquer dans "Le Gamin au Vélo". Le côté "dur" de la société présenté dans les anciens films laisse désormais place à un regard plus optimiste de la part des réalisateurs, qui n'hésitent dès lors pas à rajouter un peu de couleur dans les décors et autres costumes ainsi qu'à placer une petite musique diégétique à un moment-clé de la narration.

De même, on sent une certaine caricaturisation de cette méthode. Là où "Rosetta" était plus difficile d'accès pour les spectateurs peu enclins à regarder des films d'auteur, la narration et le discours de "Deux Jours, Une Nuit" sont eux plus abordables et universels, sans compter la présence d'une tête d'affiche reconnue mondialement. Certains reprocherons ce changement en l'accusant de simplification abusive tandis que d'autres l'applaudiront en saluant l'envie d'adresser un message plus direct et accessible aux spectateurs. Quoi qu'il en soit, l'essentiel en dehors de toute comparaison reste le résultat fini : "Deux Jours, Une Nuit" est un portrait magnifiquement mis-en-scène d'une femme simple, une femme forte de la vie de tous les jours, vulnérable mais non moins courageuse, qui se bat dans la vie pour arriver à ses fins. Grâce à ces messages de solidarité et d'espoir, nous retrouvons des frères Dardenne toujours au sommet de leur art.
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le 21 juin 2014

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