Une fresque sociale à fleur de peau portée par le talent de Marion Cotillard

Ça commence par un visage. Fatigué. Endormi. Abattu. Ce visage, c’est celui de Sandra, modeste employée d’une entreprise de panneau solaire qui va être confrontée à la sauvagerie et l’âpreté du monde contemporain lorsqu’elle apprend son licenciement, obtenu suite à un vote effectué par ses collègues de travail, devant choisir entre son renvoi ou une prime. Bénéficiant d’un sursis d’un weekend, 2 jours et 1 nuit (les frères Dardenne ont toujours opté pour des titres évocateurs et simplistes), celle-ci va, a l’instar d’un Henry Fonda dans le mythique 12 Hommes en Colère, tenter de rallier à sa cause ces mêmes collègues ayant voté pour son renvoi.

Un personnage principal féminin, une thématique sociale forte, un minimalisme de la production apparent : nous sommes bien dans un film des frères Dardenne. Tandem de réalisateurs belges connus pour figurer dans la courte liste des doubles récipiendaires de la Palme d’Or, au même titre que Francis Ford Coppola ou Emir Kusturica, ils demeurent en compagnie de Mike Leigh ou plus indirectement Abdellatif Kechiche, les chefs de file du cinéma social européen et aussi les maîtres de la représentation du vrai.

Point de sous-entendu philosophique, mais plus la propension, la dextérité que ces cinéastes ont de capter l’instant présent, de saisir le vrai. Le cinéma des Dardenne est un cinéma brut, dépouillé de tout vernis ou artifices, un cinéma qui ne glorifie pas ou ne soumet pas au misérabilisme ses personnages. Un cinéma qui dresse des personnes, face à l’adversité d’un monde devenu impitoyable, gangrené par la crise économique, les difficultés, la peur et l’incertitude. En somme un cinéma poussant jusqu’à son paroxysme l’aspect social.

Un aspect maintes et maintes fois étudié dans leur filmographie mais jamais répété. Que ça soit l’errance d’une jeune femme à la recherche de travail dans Rosetta, les problèmes relatifs à l’insertion dans Le Fils, la précarité et les choix désespérés qu’on est prêt à faire pour en sortir dans L’Enfant, ou la filiation dans Le Gamin à Vélo, cette thématique rend compte d’une certaine manière de la vision du cinéma qu’entretiennent ces deux réalisateurs. Une vision qui se veut davantage contemplative que lucrative et qui de fait, privilégie un style intimiste, un style personnel doublée d’une simplicité et d’une profondeur paradoxale et très loin des figures attendues du cinéma social ou musiques larmoyantes et intrigues complexes sont légions.

Deux Jours, Une Nuit, perpétue cette image d’un monde où règne l’adversité et où la vie est un combat tant celui auquel se confronte Sandra parait sans issue !
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le 10 juin 2014

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