Deux mères d’Anne Zohra Berrached aborde un thème difficile : le parcours du combattant d’un couple de femmes pour avoir un enfant. Pour retranscrire aux mieux cette réalité, le film se rapproche volontiers du documentaire, ce qui a dû contribuer à convaincre le jury de la 63e édition du Festival international du film de Berlin de lui accorder le « prix OFAJ Dialogue en perspective » en 2013.


L’ensemble du film se veut donc réaliste, jusque dans les mouvement de la caméra qui bouge, tremble... pour donner un caractère authentique au film. Durant les scènes d’amour, Isabelle et Katja ne sont pas magnifiées, elles sont ce qu’elles sont. De la même manière, les difficultés qu'elles rencontrent alors qu'elles souhaitent fonder une famille sont dépeintes avec justesse. De cliniques en cliniques, les réponses sont toujours les mêmes : les couples homosexuels ne sont pas pris en charge. Et lorsqu'elles se détournent des centres médicaux pour contacter des donneurs de sperme, elles se heurtent aux motivations des hommes : l’argent, le sexe…


Mais tout va malheureusement trop vite. C’est là que le film perd de sa force. Le traitement de la question de l’homoparentalité s’éloigne au fil d’un film déjà court – à peine 1h15 – pour se concentrer sur le désir de maternité d'Isabelle. Très vite, le titre Deux mères semble erroné. Il n’y a qu’une seule mère.


Le film décrit bien l'obsession d'une femme qui ne pense plus qu'à avoir un enfant. Isabelle ne voit pas Katja s'éloigner d'elle. Alors que le couple avait décidé de choisir un père qui n'exigeait pas de revoir l'enfant, Isabelle oublie cet engagement.


Anne Zohra Berrached laisse peu de place à la discussion qui s’éteint peu à peu. Belle façon de retranscrire l’évolution du couple, mais à tant vouloir privilégier l’image sur la parole, le film perd en chair et peut paraître austère. Malgré le jeu remarquable des acteurs, on n’entre jamais totalement dans leur histoire. Tout semble distancié, il en devient difficile de s’attacher à ce couple.


La fin laisse un goût d'inachevé. On attend une suite qui n'arrive pas, cela se finit ainsi, brutalement. Trop violemment pour le spectateur. Pour bien saisir le dénouement, il est presque nécessaire de se repasser les dernières minutes du film.


Isabelle dans un magasin regarde des poussettes, alors que le père de l’enfant l'appelle. Katja sort à dans la rue, puis hors du champ. Retour sur Isabelle qui cherche Katja du regard. Fin.


Il ressort finalement un pessimisme inattendu de ce film qui traduit magnifiquement combien il est difficile pour les couples homosexuels de devenir parents. Mais vouloir traiter simultanément du désir absolu de devenir mère est un défi difficile à relever en si peu de temps. Sans être inintéressante, cette problématique n’est pas réservée aux lesbiennes, le thème principal s'éloigne donc et le film s'essouffle. Dans la deuxième moitié du film, Katja s’efface totalement. Isabelle devient alors l'image de ces femmes, homosexuelles ou non, qui placent leur enfant au dessus de tout.

Kaelia
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le 25 mars 2015

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