Dans son Chacun cherche son chat, sorti en 1996, Cédric Klapisch filmait un arrondissement parisien chaleureux, où la recherche d'un chat était prétexte à celui d'un amour. L’héroïne, à force de recherches et de remises en question, succombait alors au charme d'un voisin de pallier qu'elle n'avait su remarquer auparavant.


C'est donc avec une idée de relecture (et vingt-trois années plus tard) que le cinéaste revient poser ses caméras à Paris pour filmer Deux moi, ou la quête de deux solitaires vers le bonheur et eux-mêmes. La chaleur humaine a été remplacée par ces métros bondés où les sourires sont rares et les regards rivés vers les écrans de téléphone.


C'est dans cet écrin froid que Cédric Klapisch réussit à créer un climat cotonneux afin de filmer ses deux interprètes, les justes Ana Girardot et François Civil (déjà frères et sœurs dans Ce qui nous lie, son précédent film) voisins d'appartement et de destins qui à cause de leur chagrin respectif, n'arrivent à se remarquer, eux et leur quartier, qu'au fur et à mesure d'un cheminement qu'ils entament chacun de leurs côtés.


Car il est là le grand talent de Cédric Klapisch ; arriver à saisir avec justesse une époque et en tirer quelque chose de générationnel. Si son regard sur la première génération Erasmus s'est avérée un succès critique et public (L'auberge espagnole, Les Poupées Russes et Casse-Tête Chinois) c'est avec d'autant plus de surprise de retrouver un constat aussi sincère plus de quinze années après.


Klapisch brosse avec sensibilité cette quête vers le bonheur dans un Paris peuplé d'une génération de grands paumés, se rendant malades avec le stress, la fatigue, dopés aux cachets et aux rencontres organisées virtuellement qui ne laissent rien d'autre que la solitude.


On y retrouve des visages de ses précédents films, (dont ceux de Chacun cherche son chat) qui, comme s'ils n'avaient pas bougés du quartier, tentent d'apporter cette chaleur humaine qui semble avoir disparue (les fidèles Zinedine Soualem, Simon Abkarian et l'inénarrable Renée le Calm.)


C'est ainsi, que l'on finit par voir Klapisch, éternel caméo de ses propres films, observateur aguerri et voisin discret, fin observateur et cinéaste qui mûrit de la plus belle des manières. C'est peut-être cela, ce qui nous lie à lui et à son cinéma. Et la boucle est bouclée.

QuentinBombarde
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le 11 sept. 2019

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