Pour échapper à la solitude des grandes villes, dénouez votre trauma

(Attention, spoilers)
Un mec, Rémy, a tout ce qu'il faut et même plus (car il est joué par un François Civil enfin convenablement coiffé et des mecs comme lui, il faudrait les cloner à des milliers d'exemplaires, tant ils sont charmants et aimables) pour couler des jours heureux avec sa moitié d'orange, mais il est noué, angoissé, doute de lui, n'ose pas, se renferme sur lui-même, mène une vie du genre "métro, boulot, dodo", noyant sa solitude dans celle de la grande fourmilière parisienne. Pourtant, dans l'immeuble juste à côté du sien, il semble bien qu'il y ait ce qu'il faut pour lui. Mais non, il ne regarde pas autour de lui, il est, sans en avoir conscience, replié sur son trauma intime. Que faire ? Voir un psy, bien sûr.
Et donc, dans l'immeuble juste à côté, il y a une mignonne nana : Mélanie (c'est Ana Girardot, jolie mais un peu trop transparente, même si son rôle veut ça), une "tête" travaillant dans un laboratoire de recherches sur le cancer, qui elle aussi a tout pour être heureuse et dévorer la vie à belles dents, au lieu de quoi elle vit seule (elle ne se remet pas d'avoir été larguée il y a trois ans par un mec dont elle était folle dingue et depuis, aucun ne trouve grâce à ses yeux, malgré des recherches exhaustives sur les réseaux sociaux et les conseils de ses copines) et baille copieusement, toute la journée, devant son microscope avec l'envie quasi permanente de dormir. On l'a compris : Mélanie, elle aussi, est nouée ; elle aussi a sûrement un trauma ; elle aussi doit consulter un psy.
Là, petit intermède klapischesque : Rémy et Mélanie adoptent un chaton (tout mignon), le même, mais successivement. Ils n'en sont pas rapprochés pour autant.
Rémy se fait donc "suivre" par un psy (François Berléand). Et Mélanie par une psy (Camille Cottin). Lesquels finissent par identifier et dénouer leurs traumas respectifs. Ouf !
Traumas dénoués, les deux héros de l'histoire vont, rejetant leur solitude, s'ouvrir au monde et, via leur épicier commun (rappelez-vous, ils habitent la même rue, des immeubles mitoyens), former un couple de danseurs (dans le club de danse du beau-frère de l'épicier), nouer conversation et faire enfin ("happy end" de comédie oblige) de leurs deux moi un nous.


Je sais bien, c'est une comédie "romantique" avec toutes les conventions du genre, mais on ne croit pas une seconde à cette histoire. Ce beau jeune homme, cette belle jeune fille, seuls, libres, habitent deux immeubles mitoyens avec, dans leurs appartements, un mur contigu (qui leur permet, par ex., de goûter à peu près en même temps à Gloria Lasso), ils ont les mêmes horaires de travail, utilisent la même station de métro, y sont parfois assis l'un à côté de l'autre, partagent la même pharmacie, la même épicerie, bref se côtoient quotidiennement en dehors des heures de travail et, parce qu'ils sont noués, traumatisés, leurs regards ne se croisent jamais et jamais ils ne se confrontent, ne se sourient ni n'échangent un signe de reconnaissance ou quelques mots... jusqu'à ce que leurs traumas soient dénoués par leurs psy ? La démonstration (ou construction du scénario, comme vous voulez) m'a semblé pesante et... la morale ou leçon du film (résumée dans le titre de ma critique) franchement bidon.
Et cependant, par la grâce de François Civil et celle, un peu plus fade, d'Ana Girardot, ça passe. On passe un moment plutôt agréable. On sourit, on s'attendrit devant ces deux zombis parisiens (auxquels on s'identifie un tant soit peu), dont on s'était demandé pendant tout le film s'ils allaient, comme frappés d'un mauvais sort, continuer à se croiser chaque jour sans jamais se voir vraiment ni avoir envie de briser la glace, et qui enfin, enfin sympathisent.


Une dernière remarque, sur le scénario. Je trouve le rôle de Rémy mieux construit et plus cohérent que celui de Mélanie (peut-être parce que Klapisch est plus à l'aise et comprend mieux la personnalité masculine que féminine). Ainsi, le trauma de Rémy, quand révélé, est clair, crédible, compréhensible ; celui de Mélanie paraît moins consistant, plus nébuleux, pas loin du caprice (et s'y rajoute en surcouche, et de façon non liée, un gros chagrin d'amour). Un meilleur rôle ? En tout cas, François Civil paraît durant tout le film plus à l'aise dans ses baskets qu'Ana Girardot.

Fleming
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le 19 sept. 2019

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