Ils sont nombreux les films qui vous font tomber amoureux d'Audrey Hepburn. Celui-là est maousse costaud. Elle y est irrésistible. Tellement bien filmée par Blake Edwards, ce grand amoureux des femmes, elle irradie et fait passer le pauvre George Peppard pour un demeuré à qui l'on voudrait mettre des torgnoles. "Réveille toi George, prends les choses en main, tombe amoureux, fais le job!". Propre d'une comédie romantique, son personnage met des plombes à réaliser qu'on ne peut pas décemment laisser Audrey Hepburn sur le palier.

C'est là vision d'hétérosexuel, j'en conviens, mais Audrey Hepburn est tellement belle, sa féminité tellement exacerbée que je me demande si tous les autres, tout le monde, tout l'univers n'est pas dans l'obligation de tomber sous son charme.

Blake Edwards réussit la gageure d'associer un délicat équilibre entre deux types d'humour diamétralement opposés a priori.

D'un côté, il maitrise un certain humour dandy, légèrement ironique, très classieux, que l'on attribuera sûrement en grande partie à Truman Capote et George Axelrod et pour lequel les dialogues jouent un rôle important, donnant aux personnages la hauteur de vue nécessaire pour développer une certaine philosophie de vie qui n'est pas sans lien avec l'aventure moderne des bourgeois qui rêvent de bohème.

Il n'est pas exclu que Holly Golightly, le personnage d'Hepburn, et Paul Varjak, celui de Peppard ne soient un brin enfermés dans des poses, des images où il faut aller chercher la vérité. Au delà du masque social.

C'est ici qu'Edwards intègre cette part de folie qu'on retrouve dans nombre de ses films, celle qui explose dans l'alcool, le sexe et la musique, une folie toute vouée à la brièveté de l'existence, l'insouciance de la jeunesse. Cette effervescence destinée à faire oublier les maux de la vie fait le lien avec l'autre type d'humour qui plait à Edwards, un humour plus bas de caisse, enfantin, plus physique. La grimace n'est pas bien loin dès lors.

Mickey Rooney en japonais sur-excité et ronchon m'ennuie un peu. On voit bien où veut en venir le scénario avec ce personnage exhausteur de saveur pour Holly, mais pas sûr que cela soit finement abouti ici. M'enfin, il n'est pas très envahissant et Edwards a su ne pas en abuser.

De toute façon, l'étoile qui aspire tout, attire à elle toute l'attention reste Audrey Hepburn. A elle seule, elle fait du film un objet précieux, un diamant que l'on peut admirer sur son canapé. Je me répète mais tant pis : il fallait tout de même un regard particulièrement méticuleux et intelligent pour savoir comment capter cette magie et mettre en valeur cette femme. Comme Wilder avant lui, comme Donen après, Blake Edwards excelle à souligner la grâce qui se dégage de chaque geste, de chaque moue de ce petit bout de femme, en garantissant au spectateur une relation peu commune avec l'actrice. En effet, elle n'est pas qu'une belle plante, bien habillée par Givenchy, qui dit des bons mots et chante admirablement Johnny Mercer et Henri Mancini, elle parvient à incarner une femme complète, avec ses fêlures, son armure peut se cisailler. Derrière le nez rouge de clown perce le regard apeuré face à l'inconnu, face à la mort, à l'amour qui bouscule, peur de la douleur sous toutes ses formes. Et comme souvent avec Blake Edwards, à l'ombre du rire, la tragédie, la pesanteur de l'absurdité est toujours là, tapie, prête à vous sauter à la gorge. L'émotion n'est jamais bien loin, du rire aux larmes.

Et forcément, un film comme ça vous marque au cœur.
Alligator
9
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le 29 juin 2013

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Alligator

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