A force de tirer sur la corde, j'ai fini par lâcher prise. Où en sommes-nous au juste depuis l'admirable Die Hard premier du nom? Le premier est à marquer d'une pierre blanche, un monument tutélaire sur lequel on a essayé de graver des suites plus ou moins heureuses. Et ce dernier numéro continue dans la même veine à descendre la colline vers les moins heureuses productions. Peut-être qu'avec le temps, on verra ces films avec nostalgie ou bienveillance et le recul nécessaire pour en siroter la substantifique moelle avec un peu plus de justesse? Après McClane dans la tour, McClane à la neige, McClane à New-York, (le suivant j'ai pas vu), voilà donc McClane en Russie. Me souviens que ça sentait déjà le roussi depuis longtemps quand Don Camillo en était aussi là. Mais après tout, pourquoi pas? Pourquoi pas McClane à la plage, en bateau, en Asie, en Afrique la prochaine fois, avec son petit-fils? Pourquoi pas?

A une condition : un vrai scénario, une vraie mise en scène, une vraie maitrise du récit. Parce que ce n'est pas le vieillissement de Bruce Willis qui fait tousser, c'est bien cette indigestion d'effets spéciaux, ce gros tas d'explosions, de cascades d'autos tamponneuses plus du tout crédibles, cette exagération, cette outrance qui dégueule du bris de verre au point qu'on n'en peut plus, qu'on n'y croit plus, qu'on a la très nette impression d'être pris pour des cons prêts à avaler n'importe quoi. Il faut prendre de la drogue pour que ce film fasse effet. Mais où est la justesse de John McTiernan, l'équilibre bien balancé, net et précis entre dialogues, action, respiration? Où est le tempo qui vous scotche à votre fauteuil? Où sont les bons acteurs? Et pour que l'humour fonctionne... ben, il faut qu'il soit drôle. Ce n'est pas en faisant téléphoner McClane alors que sa voiture fait les montagnes russes sur d'autres bagnoles qu'ils vont arriver à me faire sourire. Les gamins vont rire, peut-être, mais merde, qui a écrit ça? Skip Woods, un scénariste en bois, je bondis devant mon écran.

Dans le casting, on retiendra qui? Bruce Willis parait fatigué. Foutez lui la paix. On dirait un acteur qui fait du bis pour faire du bis. Jai Courtney, c'est le deuxième film coup sur coup que je vois avec lui (Jack Reacher), il a toujours son charisme de poulpe, deux expressions en tout et pour tout. Sebastian Koch, le pauvre, essaie de se faire une place au soleil d'Hollywood. Intéressant, jusqu'à ce qu'il s'essaie à imiter Alan Rickman (jouant l'épais trouillard face à McClane). Bordel, qui a dirigé les acteurs? C'est quoi John Moore? 4 longs à son actif avant celui-là! Une marionnette sans jus sous les bras. Ceci explique cela. A la question "où es-tu John McTiernan?" la réponse est "loin, très loin". M'enfin, à l'écriture du scénario, ça sent le caca, et personne pour dire : "hé les gars, coupez moi ce morceau, c'est pas possible, c'est trop ridicule, ce n'est pas le personnage, on est en train d'écrire une bouffonnerie"? Personne pour dire que le camion qui s'envole, non, ce n'est possible? Que la voiture accrochée à l’hélico, non, ce n'est pas possible? Et le doigt d'honneur en pleine chute, les pirouettes cacahuètes, et Tchernobyl? Pitié!

Le pire, c'est qu'on nous ressort le montage crétin qui consiste à cracher de l'image épileptique, caméra tremblante et zoomante, alors qu'on pensait en avoir fini avec cette légende du montage audacieux venant de la vidéo, de la pub et autres cinétiques immondes, audace de pacotille servant surtout à cacher l'incapacité à penser le montage de scènes d'action et à le relier à l’œil qui en subit le résultat. Dans le genre on a connu pire (Quantum of solace), m'enfin... c'est pas la joie non plus de ce côté là. Y a comme un goût amer à retrouver ce genre de montage à notre époque. Je pensais que c'était derrière nous.

Y a bien un petit truc qui m'a plu : la photographie de (), parfois très belle, même s'il abuse un peu trop sur les teintes monochromes, soit vert, soit bleu, soit jaune. N'empêche, certains plans ont des couleurs qui leur donnent une belle petite gueule.

Oh, le film n'est pas non plus si désagréable, mais disons qu'il est tellement vide et parfois peu lisible, qu'on l'oublie vite. Autre point à saluer : relativement court (1h30), on n'a pas à se le farcir 107 ans. Comme un sparadrap, frrrttt, hop, ça fait pas mal.
Alligator
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le 25 juin 2013

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