Dis-moi qui je suis
6.8
Dis-moi qui je suis

Documentaire de Ed Perkins (2019)

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Honnêtement j’ai du mal à avoir un avis définitif sur ce documentaire d’où ma note. L’histoire est carrément vertigineuse et sidérante : un anglais de 18 ans, Alex Lewis, victime d’un accident de moto, se réveille d’un coma avec une amnésie totale. Il reconnait son frère, Mark son jumeau, mais a oublié tout le reste : ses parents, sa vie, ses amis mais aussi comment faire du vélo, bref tout. Il doit réapprendre à vivre. Son guide sera Mark, qui prendra de facto une place prépondérante dans son évolution et sa renaissance. Mark l’aidera à retrouver une place et une vie, non pas sa vie mais une vie guidée et définie par son frère. La mort de leurs parents, l’un et l’autre de maladie, vers le début de la trentaine des jumeaux vient jeter un trouble sur cette nouvelle vie.
Je m’arrête ici pour le résumé de l’histoire afin de ne pas trop en dévoiler pour ne pas gâcher l’intérêt du visionnage de ce documentaire.
L’histoire ferait un sacré scénario, d’ailleurs l’amnésie a d’ores est déjà la source d’un grand nombre de films. Rapportée à la réalité, la puissance du sujet devient carrément abyssale en termes d’angoisse et de l’empathie qu’elle suscite.
Malgré la force du sujet et la sincérité des jumeaux, véritables acteurs du documentaire, la médiocrité de la forme de par sa mise en scène permanente et ses effets de manche calamiteux jettent un doute suspicieux sur l’entreprise. Le récit est construit comme un (mauvais) thriller : effets sonores, mise en scène caricaturale, faux effets cradingues sur certaines images, tout y passe et franchement c’est véritablement gênant.
Je ne remets pas en cause la sincérité des jumeaux, mais on peut remarquer qu’ils n’ont pas peur de se mettre en scène et qu’ils sont relativement à l’aise devant la caméra étant donné les circonstances. Je ne doute pas de la douleur de l’un et de l’autre : la douleur de la responsabilité d’avoir scénarisé la vie de son frère et la nécessité de gérer sa propre douleur traumatique afin d’avancer et de se reconstruire. Également la douleur de la confiance brisée envers son « créateur », qui plus est jumeau, et du voile de mensonge jeté sur toute son existence qui entraine la perte de toute la substance de sa vie, de son identité.
La situation est effroyable, insoluble car figée dans le passé. Même si, 20 ans après les faits, tous deux ont réussi à construire avec difficulté une vie de famille, à survivre. Mark reconnait son erreur dans la gestion de l’affaire, incapable de faire face à ses démons. A travers l’amnésie de son frère, il a entrevu la possibilité d’un nouveau départ pour tous les deux. Le documentaire participe donc à la libération de la parole des deux acteurs et victimes de ce drame. La parole, aspect fondamental lorsque l’on a subi un traumatisme, car la survie par l’enfouissement ne peut être que temporaire devenant ensuite destructrice ou paralysante avec le temps.
Ce documentaire est touchant, horrible mais aussi réconfortant. J’ai malgré tout l’immense regret que cette histoire n’ait pas été confiée, traitée (ou vendue…) à d’autres afin de lui octroyer le traitement qu’elle méritait, notamment quant à toutes ses suites possibles. Naïf que je suis me direz-vous, Netflix est peut-être déjà en train d’en faire un numéro 2 ou une série….

JohnDeckard
5
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le 23 avr. 2020

Critique lue 4.8K fois

12 j'aime

JohnDeckard

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