Des Pallières est un poète, un séducteur à la voix rauque, un joueur de flûte, un solitaire, un corps qui bouge au milieu d'un monde trop fixe. C'est un inquiet, un généreux, un ennemi du cynisme, un expert de l'ironie, un découvreur de beauté munie de son indissociable détecteur de mélancolie. Un magicien étrange et tourmenté, qui de sa voix blanche délivre le secrets de ceux que les morts et les enfants, tout deux côtes à côtes dans l'image et dans le son, rêvent en silence au près des visages ambulants.

L'image bouge, l'image tremble. Serrée de par ses plans sur des couleurs et des formes d'un Disneyland insolite. Il y a Dingo, Mickey, les autres. Ils errent dans la foule, câlinent des enfants émerveillés. Dans leur visage, rien ne bouge. Leurs mouvements sont écrits, se répètent, ralentissent et s'accélèrent dans un jet de rêves prolongés.
Une rue vide, un quartier sous silence. Des manèges qui tournoient inlassablement. Mécaniques. Des passagers aux yeux éteints qui les visitent et les montent, le soleil qui se lève et se couchera sur leurs mouvements désespérés.
Déjà Disneyland est triste. Sa beauté sonne creux. Sa froideur glace. Mais encore il y a les rires des enfants, inaudibles, leurs sourires et leurs yeux devinant la joie que jamais le son ne traduira.

Le son, lui, dure, diffus, menaçant. Se décompose d'hybrides mouvements, musiques sourdes et cruelles. Le son, c'est la voix d'Arnaud des Pallières, neutre mais tellement partisane, devinant l'ironie et la cruauté bienveillante. Le son, ce sont ses histoires de chaque jour dont l'obscurité étreint tout, envahit tout, l'image du bonheur mélancolique qui se dessine sur l'image.
De ses mots posés avec une douceur glaciale, des Pallières vient à raconter une histoire de cancer, d'enfance, de mort, de questions d'enfants qui découvre qu'est-ce que la mort. Leur proximité et leur mystère permanent, balancés d'un côté, puis de l'autre.
On entend des dissonances, des départs dans les aigus, dans les graves. Des musiques trafiqués, faits de l'angoisse du monde et de l'auteur apeuré qui se prétend serein, philosophe, à l'écoute.

Le son et l'image se détestent, dans Disneyland, mon vieux pays natal. Ils se défient, se manquent, se narguent, ne se mettent jamais d'accord - et pourtant se complètent.
L'image dit la façade, déjà craquelée, d'un faux rêve qui perdurera encore à l'infini. Elle traduit la tristesse, mais n'en cherche jamais la cause. Elle ne dit rien, mais tout saute aux yeux.
Le son apporte l'avis, la clé, le mystère. Accorde à l'image ce qui lui manquait : sa propre traduction. Ainsi la tristesse des joies enfantines devient la tragédie d'une vie vouée à la question d'une enfance disparue, d'une mort qui viendra, et qu'il faut oublier en attendant, en se laissant aller à la séduisante divagation d'un manège qui tournoie et nous emporte plus loin que les rêves, puisque même eux restent tristes, puisque tout l'est, et le restera, tant que Disneyland existera.
B-Lyndon
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le 1 mai 2013

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