Comme je m'en doutais, revoir ce film 6 ans plus tard ne lui rend pas service. Mes goûts ont évolué depuis lors et j'avoue ne plus me retrouver dans ce film.


Pourtant il reste de bonnes idées. Y a des moments où je me suis marré, l'auteur se rapproprie bien ses influences jeux vidéos, construit un personnage principal intéressant, parvient à délivrer un message politique, certes un peu évident et parfois facile, mais qui peut toucher dans quelques situations. On a aussi du spectaculaire, des combats, des méchants... mais au final je reste sur ma faim.


Les méchants par exemple : ils ne sont pas très développés, ça aurait pu être poussé bien plus loin. Tout comme cet univers : personnellement ça m'a un peu dérangé que, arrivé à la moitié d'une film, il n'y ait pratiquement plus de crevettes à voir, cela manque un peu d'exploitation. L'une des raisons pour lesquelles les personnages secondaires paraissent autant sous-exploités, c'est qu'ils sont très nombreux, trop nombreux : aucun n'est vraiment mis en avant au travers de scènes (en même temps le film aurait duré 5 fois plus longtemps). Et tout au long du film, on s'aperçoit qu'il y a plein de bonnes idées sous exploitées, comme ce gang au chef cannibale, la vente de viande pour chats, les méchants scientifiques, la femme qui abandonne son mari, le beau-père qui exploite son gendre, la crevette intelligente (oui là c'est quand même un peu limite comme idée, qu'il n'y ait qu'un seul alien un p'tit peu intelligent), les armes, le vaisseau abandonné... l'histoire devient donc un sacré fourre-tout bordélique où rien n'a d'importance, tout est insignifiant.


J'ai trouvé le film assez peu crédible aussi : disons qu'il y a le côté réaliste (on ne tue pas les aliens, on les déporte, c'est mieux) qui n'est pas assez bien amené (vu que la majorité déteste ces créatures et qu'ils sont en plus violents, je ne comprends pas pourquoi l'armée n'intervient pas officiellement de manière plus musclée), mais bon ce n'est pas le plus important.


Ce qui m'a vraiment dérangé, c'est que l'histoire part un peu dans tous les sens, qu'il faut attendre longtemps avant qu'un objectif principal ne se dessine, et qu'en attendant, on passe en peu de temps de l'extase de scènes cool à l'ennui total à cause d'un manque de structure. Et même une fois que l'histoire est vraiment lancée, l'on doit subir des chutes de rythme à cause d'une certaine complaisance misérabiliste du héros abandonné par sa femme, ses amis, le monde, mais aussi à cause de scènes trop longues (cette fin qui n'en finit pas).


Niveau mise en scène, ça reste le meilleur travail du réalisateur à ce jour. C'est un peu triste à dire malheureusement... il sur-découpe, mais ça reste globalement lisible... quoique... son gros problème, c'est la localisation spatiale de ses personnages : on ne comprend pas toujours très bien où sont situés les personnages, surtout durant le combat final. C'est dommage parce qu'il y a un gros effort sur les décors, il aurait donc été pertinent de mieux les exploiter au niveau de la mise en place des personnages.


Je me souviens que je n'étais pas totalement convaincu par le mélange de style docu et fiction à l'époque, je le suis encore moins maintenant : le problème, c'est que Neil filme exactement de la même manière (contrairement à ce qu'il prétend dans les bonus du film), il n'y a pas de changement de rythme ni rien. Si bien que la première fois qu'on abandonne le found footage, on se demande ce qu'il se passe, et si on comprend c'est uniquement à cause de la situation et non à cause d'un changement de style. J'ai trouvé cette idée étrange, voire absurde, car passer en mode 'réel' d'un coup, c'est un peu rendre vain tout ce qui a été construit jusque là. Il y a un épisode de "Rec" où ça se passe (le troisième je crois), et là ça passe mieux. Ici, ça ne se justifie pas vraiment, et avoir ces retours incessants avec le style documentaire est franchement exaspérant.


Petite parenthèse sur le style found footage. Avant je pensais que c'était une technique de mise en scène facile car on pouvait filmer tout n'importe comment. Aujourd'hui je me ravise. Je pense que, si au niveau de l'esthétique le réalisateur a plus de liberté (encore que M. Night Shyamalan prouve avec "The visit" qu'on peut allier found footage et esthétique léchée sans que ça ne dérange), le travail de mise en scène est tout de même compliqué : imaginez qu'avec une caméra qui peut faire du 360 degrés, les techniciens doivent trouver des astuces pour rendre une image lisible et un son potable. Parce que le son d'un film de ce genre, il n'est pas enregistré à l'arrache... il est enregistré le plus normalement possible et c'est en cours de mixage qu'on va charcuter la piste pour faire croire à quelque chose de pris sur le vif (ce qui permet de rendre audible les infos utiles). Sans parler de la direction d'acteurs (le réalisateur doit se contenter de regarder un retour dans son coin), du découpage (imaginer un découpage qui fasse réel, c'est compliqué tout de même), des trucages à ne pas révéler accidentellement (car tout n'est pas numérique). Puis, il faut que l'acteur-cadreur saisisse ce que le réalisateur décide, qu'il se souvienne de sa chorégraphie (même si il y a beaucoup de coupe, il y a tout un travail d'ambiance lors du tournage, des séquences à tourner sans arrêt. Bon je déborde, "District 9" n'a que très peu à voir avec le found footage, c'est très cinématographique, le réalisateur se contente globalement de secouer sa caméra et de surdécouper ses scènes pour rappeler le style. Mais quand même, tout ce la n'est pas si simple. Fin de la parenthèse.


Les effets spéciaux sont globalement réussis. Il reste quelques passages qui vieillissent moins bien (les vaisseaux qui bougent) mais en ce qui concerne les aliens, il faut bien dire qu'ils ont fait du bon boulot : les interactions fonctionnent bien, les reflets, la lumière, l'intégration, tout cela est crédible. Pour un film 'fauché', le rendu est agréable. Les acteurs sont bons aussi, c'est plaisant de voir comme tout le monde se prend au jeu ; c'est en plus l'occasion de découvrir Sharlto Copley qui est plutôt sympa.


Bref, "District 9" se laisse regarder, mais il faut bien avouer qu'il rarement très prenant, la cause principale étant liée au scénario mal structuré, bourré de bonnes idées, oui, mais des idées souvent sous-exploitées. Dommage.

Fatpooper
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le 17 avr. 2016

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Fatpooper

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