Neill Blomkamp joue sur tous les tableaux

Dès les premiers plans, District 9 donne le ton: « On veut bien accueillir les gens, mais des étrangers, ça va cinq minutes ! Maintenant, il faut qu’ils rentrent chez eux ! » La scène se passe à Johannesburg, et la femme qui dit ça est… noire ! On n’est donc pas dans un film classique de SF US, comme l’indique le plan suivant : « Les aliens auraient pu se poser à New York, à Washington, mais non, ils ont choisi Johannesburg ! »

« Ils », ce sont les extraterrestres, dans une histoire peu commune : non, ils ne viennent pas coloniser la terre (comme dans La Guerre des Mondes), ni apporter un message de paix (comme dans Rencontres du Troisième Type), non, ils sont en panne, affamés, en détresse. Facilement mis au pas par les humains, ces aliens en forme de crevettes humaines, les « Prawns » font peine à voir ! Difficile de ne pas penser aux camps de réfugiés qui parsèment actuellement notre beau pays…

Avec District 9, Neill Blomkamp, son réalisateur va jouer sur tous les tableaux : film d’action, film sentimental, film gore, tout en restant incroyablement politique et… politiquement incorrect…

Autre problème : dans quel genre est-on ? Ça commence comme du Michael Moore, documentaire alter-mondialiste caméra portée, réaliste jusqu’à l’incroyable : le film a été tourné à Soweto, ce qui prend tout son sel. Non seulement on ne peut s’empêcher de penser que ce n’est pas un décor (vrai ghetto noir ou décor pour faux ghetto alien ?) mais, en plus cela génère un renversement copernicien : toute l’humanité (blanche et noire) contre les nouveaux untermenschen.

Quelques secondes après, on se croit dans une comédie, puisqu’il y a ce héros, Wikus van der Merwe, sorte de Poelvoorde sud-af’, chargé du transfert des Prawns du District 9 au District 10. Un pauvre rond de cuir manipulé par le complexe militaro-industriel. A l’évidence, Wikus est là pour nous faire rire. Mais on enchaîne très vite vers un film d’action, extrêmement réussi, avec bagarres, et explosions dans tous les sens. Avec un soupçon d’humour gore qui relève la sauce… C’est là que Neill Blomkamp révèle l’étendue de son talent : on a rarement filmé aussi bien, et de manière aussi variée, des combats.

Alors bien sûr, l’histoire s’étiole au milieu, et révèle quelques faiblesses : très linéaire, très classique (aller chercher la fiole, retrouver – comme par hasard – le personnage-clef de l’histoire, mais à la fin, Neill Blomkamp a réussi son tour de force : transformer ces aliens-réfugiés, gluants et chitineux, en héros, et notre rond de cuir, en Bruce Willis à moustache…

Un grand bravo à Peter Jackson, d’avoir su dénicher ce petit génie de Blomkamp, un réalisateur à suivre…

*une prière que nous formulons depuis des siècles : que les aliens s’achètent enfin une carte du monde…
ludovico
9
Écrit par

Créée

le 18 août 2013

Critique lue 464 fois

5 j'aime

ludovico

Écrit par

Critique lue 464 fois

5

D'autres avis sur District 9

District 9
Gothic
7

Le Diamant du Neill

Mais alors brut, le diamant ! Depuis la sortie du premier film de Blomkamp, on m’a longtemps rebattu les oreilles sur ses qualités, de l’originalité de la forme à ses effets réussis, en passant par...

le 10 déc. 2013

79 j'aime

39

District 9
ackboo
9

Blah blah blah...

N'écoutez pas les blasés, les cyniques, les snobs et les intellos rive gauche qui estiment que ce film n'est pas à la hauteur de leurs standards. On peut regarder District 9 avec le petit doigt en...

le 3 janv. 2010

71 j'aime

20

District 9
Hypérion
7

Avec un thème pareil, pourquoi ne pas avoir produit une série ?

Disctrict 9, c'est un film de SF doté d'un pitch intriguant (des aliens ont débarqué il y a 28 ans et sont depuis parqués dans un bidonville, le fameux District 9, implanté dans les faubourgs de...

le 14 févr. 2013

67 j'aime

9

Du même critique

Shining
ludovico
9

Le film SUR Kubrick ?

Après le flop public et critique de Barry Lyndon, Kubrick a certainement besoin de remonter sa cote, en adaptant cet auteur de best-sellers qui monte, Stephen King. Seul Carrie a été adapté à cette...

le 7 févr. 2011

191 j'aime

86

La Neuvième Porte
ludovico
9

Un film honteusement délaissé...

Un grand film, c’est quoi ? C’est un film qui passe sur NRJ12 (en VF mal doublée), qu’on prend au milieu, et qu’on regarde jusqu’au bout, malgré l’alléchant Mad Men S05e1 qui nous attend sur Canal à...

le 23 janv. 2011

58 j'aime

3

Borgia
ludovico
3

on y a cru pendant vingt secondes, jusqu'au générique...

C'est parti pour la série événement de Canal+. Ils sont forts chez Canal, ils ne font pas de série non-événement ! Mafiosa, Braquo, Borgia : même combat. Pour cette dernière, on y a cru pendant vingt...

le 14 oct. 2011

41 j'aime

13