Les films de Quentin Tarantino ont toujours été animés et habités par son amour et sa passion du cinéma. Peu de cinéaste ont su marier avec autant de brio les deux visages de la production cinématographique américaine (et étrangères). A savoir les films de série A – dit ‘film classique’, Tarantino s’appropriant habilement la dramaturgie classique et précise à la mécanique bien huilé de la grande école Hollywoodienne, Howard Hawks et l’ “Age d’or” (année 30 à 50) étant pour lui une grande source d’inspiration scénaristiquement parlant. Et les films de série B, extirpant avec classe et insolence la dimension la plus jubilatoire du cinéma de genre et Z, soit, son iconographie, sa violence, son exubérance. Et forcément, ce Django Unchained n’échappe pas à la règle.


Si le metteur en scène parvient toujours à nous impliquer dans ces histoires aussi fluides qu’efficace, sa mise en scène, elle, peut-elle évoluer et prendre des virages plus expérimentales ? Et bien non ! Le cinéaste n’a ni l’envie et ni la volonté de remettre en question sa façon d’aborder le cinéma et se repose très clairement sur ses acquis : son style post moderne qu’il a tant su affiner par sa volonté d’hybridation trouve très vite ses limites dans ses partis pris artistiques.


En effet, Tarantino commence vraiment à tourner en rond. Formellement, il n’a jamais brillé par ça créativité puisqu’il va puiser son inspiration dans sa propre cinéphilie en réactualisant les codes et les icônes de tout un pan de l’histoire du cinéma. Mais il reste malgré tout un technicien hors pair qui ne laisse jamais le hasard dicter son travail : ses cadrages comme ces scènes sont toujours calculés et pensés en amont. Par le passé, il pouvait se permettre de nous surprendre avec Pulp Fiction et son récit éclaté mais totalement maîtrisé, parsemé ça et là de personnages hauts en couleur débitant leurs répliques cultes. C’est assurément la ‘patte’ du cinéaste, ‘patte’ qu’on retrouve sans déplaisir sur ce Django Unchained.


Rythmé par des dialogues dont il a le secret et des scènes d’actions aussi soudaines que sanglantes à l’esthétique très japonisante (encore !?), son western ne vise malheureusement que le divertissement et la redite. Car si les répliques des seconds rôles à la fonctionnalité éphémère fera surement sourire les plus fans du cinéaste, son style graphique et narcissique pollue beaucoup trop son récit en vase clos dans une imagerie maint fois exploitée par le passé.


Tarantino, entre idées factices et auto-citation, a perdu de sa flamme car jamais il nous tient en éveil ou nous offre des séquences vraiment impressionnantes, s’enlisant dans un classicisme élégant, certes, mais sans audace et du semi-gore pas tellement jouissif pour les scènes les plus violentes. Aurait il atteint ses limites ? Le manque d'idée nouvelle parle de lui même.


Alors oui, la mise en scène est parfaite et très précise et nombreux doivent être les cinéastes à le jalouser car son aisance à passer du drame à l’action, à glisser des clins d’oeil subtils à la blaxploitation et au western sans jamais parasiter son récit et ces enjeux dramatiques, lui semblent vraiment naturel et innée … et du coup insultante ! Le tout s’agence avec un tel équilibre, une telle normalité qu’on n’est jamais surpris ni par l’outrance des scènes les plus violentes, ni par les ruptures de ton. Sans aucun doute, les fans pur et dur du cinéaste prendront assurément leur pied !


Mais si le “corps” est magnifique, je cherche en vain une “âme” a son Django Unchained, qui esthétiquement n’a pourtant pas de défaut. Le résultat est tellement clinquant, tellement explicite et trop écrit, peut être trop maîtrisé, qu’on a le sentiment que Tarantino aime se regarder filmer et que le spectateur doit foncièrement se soumettre au génie du maître, sans que celui-ci ne prennent le temps de poser un regard critique sur la nature de cette ‘maîtrise’.


Il manque à mes yeux une réelle vision au cinéaste. Il a du style, du panache, il “pense” son film mais n’offre aucun regard original ou personnel de l’univers, du genre qu’il aborde, s’attachant davantage à nous prouver qu’il connaît bien son outil de travail – à savoir, le cinéma et son histoire – sans n’y insuffler une quelconque vision du monde. Son maniérisme auto-suffisant nous rappelle qu’il est surtout un ‘faiseur’ plutôt qu’un véritable ‘auteur’ ! C'est en tout cas mon sentiment car j'accorde beaucoup d'importance à la capacité d'un cinéaste à me faire partager sa vision du monde (celui dans lequel on vit, nous, spectateur), même si je lui reconnais une fougue et de la personnalité dans sa manière de traiter le genre.


Malgré ce défaut évident qui personnellement me gène, on se laisse pourtant guider par ces scènes attractives et plutôt efficaces indépendamment les unes des autres. Mais étirées sur la longueur (2h45 quand même !), je me lasse assez vite des pérégrinations de Django et du Dr King Schultz. Il est assez drôle de remarquer que Christoph Waltz, comme dans Unglorious bastards, vole une fois encore la vedette au héros du film. C’est d’ailleurs lui qui incarne le personnage le plus intéressant puisqu’il semble avoir toujours un temps d’avance sur les autres, semblant maîtriser chacune de ces actions et ce, dès le début du métrage. Django reviendra tardivement au centre de l’histoire et seul les plus courageux s’accrocheront encore à sa soif de vengeance.


Si la personnalité de Tarantino brille dans chacune des séquences, on peut cependant lui reprocher de n’avoir aucun point de vue politique sur l’histoire de son propre pays. Le racisme ne sert que de décor à son scénario et la quasi-totalité des blancs sont de simples racistes drôles et cons ou des proies à tuer. On doit juste se délecter de la ‘Quentin’s touch‘ sans défendre un quelconque partis pris sur le sujet. Le final est à lui seul déroutant de complaisance et en dit long sur la démarche gratuite du cinéaste. Car tout le récit est articulé autour de la figure héroïque de Django et le racisme ne semble être juste une figure métaphorique à flinguer quand tombe le dernière acte.


Conclusion : après le film de casse, le ‘film noir’, la blaxploitation, la série B d’Asie et le film du guerre, Tarantino ajoute le western à sa galerie. Si on réfléchit bien, les genres qu’il n’a pas encore abordé de front sont la science fiction, le fantastique, le slasher, ….. et l’érotique ! Je suis curieux de voir ça tient !!

Mathieu_Babhop
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le 19 août 2016

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