Tarantino, fidèle à lui-même, sans réelle évolution, si ce n'est la maitrise exigée par l'actualité de l'image HD.
D'accord, c'est hyper bien filmé, les psychologie des personnages et le jeu des acteurs aboutis, la musique géniale, le montage très bon (dans l'esprit Tarantino) ; mais ce besoin systématique de se faire applaudir à chaque scène, ce besoin de spectaculaire finit par m'agacer. Cette complaisance à filmer la violence - ok, c'est sa marque de fabrique, ce ne serait plus du Trantino s'il n'y en avait pas (quoique, souvenez-vous de Jackie Brown : un film intelligent, bien écrit, tendu, sans toute cette boucherie assez insupportable) - ne me plait plus. Je ne parle pas des scènes dont la violence est justifiée par le récit (par exemple l'intervention de Django pour libérer la femme noire prête à se faire fouetter, la première explosion de tête au moment de la rencontre des esclavagistes propriétaires de Django avec le dentiste allemand, cet insert esthétisant du sang d'un des esclavagistes sur le coton etc...) mais plutôt de cette scène horrible du combat des madingues dans le salon du très méchant Di Caprio, ou bien de ces fusillades interminables peuplées de hurlements de douleur dans la maison coloniale. J'en ai juste marre de ça, pendant que d'autre en rient (en partie surement parce qu'ils sont, comme moi, choqués).

Ce que je trouve cependant intéressant - et cela ne fonctionnerait peut être pas sans la violence que je dénigre plus haut - c'est la dimension cathartique du cinéma vengeur de Tarantino.
En effet la vengeance est un thème cher à Tarantino. Elle se distingue bien de la justice (les héros de Tarantino sont des vengeurs, mais pas des vengeurs justes comme le serait Zoro, des vengeurs égoïstes et sans soucis des valeurs éthiques, d'ailleurs à l'image des héros de Sergio Léone). On comprend parfaitement pourquoi Django agit ainsi : il veut retrouver celle qu'il aime (qui ne serait pas prêt à tout pour cela) et on partage sa cruauté puisque les négriers sont des salauds cruels et monstrueux. Avec lui, on a envie de les tuer ces salauds de sudistes négriers bêtes et méchants. Et on est presque soulagé quand il le fait. On épouse sa cause, on se révolte avec lui contre l'esclavagisme, et par-là même on se nettoie (et c'est bien là la fonction cathartique de son cinéma) de notre sentiment de culpabilité de ce que le peuple blanc a pu infliger au peuple noir. C'est un cinéma qui, en cela, possède une dimension politique.
C'était encore plus net pour "Inglorious bastards" (écouter l'interview de Tarantino dans l'émission de France inter "on aura tout vu" du 19/01/2013) . Avec Mélanie Laurent nous nous vengeons de toutes les tortures que les nazis nous ont infligées. Mais encore plus subtile, la dimension cathartique fonctionne aussi pour les Allemands eux-même : alors que les allemands vont voir des films sur la 2nde guerre mondiale la peur au ventre (comment va-t-on encore nous représenter dans ce film ?), ils ont beaucoup ris en regardant ce film. Cela leur faisait du bien de dépasser un tabou, de lever leur sentiment de culpabilité en imaginant cette réécriture de leur histoire (car bien évidemment le peuple Allemand veut tuer Hitler).
La finesse et le relativisme sont tout de même aussi au rendez-vous car il y a en filigrane la critique de l'absence de révolte des noirs en position d'esclave qui ne "suivent pas" Django dans sa quête (peut-être parce qu'elle est aussi trop personnelle ?), et il ne cède pas à la facilité en faisant mourir le libérateur aux trois quarts du film. Nous ne sommes définitivement pas dans le cinéma hollywoodien traditionnel qui érige ses héros en être infaillibles.

Autre subtilité : alors que Christoph Waltz jouait le rôle d'un nazis à la cruauté sans fond dans "Inglorious Bastards", le voici ici du côté des bons, toujours dans le rôle d'un Allemand : les Allemnads sont capables d'enfanter des monstres comme les nazis, mais peuvent aussi se battre pour une cause juste : la lutte contre l'esclavage. Tout est donc affaire de point de vue. Point de vue du peuple juif sur le peuple allemand, point de vue des allemands sur les américains sudistes. Bravo pour ce tour de force, et pour ce sentiment libérateur que procure cette catharsis, merci Tarantino !
DavidP12
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le 19 janv. 2013

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David Poulain

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