Force est d'admettre qu'il y a trois piges, on ne donnait pas vraiment cher de la peau de Daniel Radcliffe, dont le plan de carrière hors HP n'était pas des plus bandant sur le papier (à part être à poil sur scène pour la pièce de théâtre Equus) et qui surtout, ne rivalisait pas réellement avec celui de la so cute Emma Watson..


Mais nous avions un brin sous-estimé le talent du bonhomme, puisqu'il a su brillamment passé le passage post-Harry Potter (à la différence de son poto Rupert Grint), et qu'il n'a pas été frappé par le cruel syndrome Mark Hamill.


Mieux, il a même réussi la prouesse de se montrer encore plus intéressant à suivre sans ses lunettes et sa baguette de sorcier, mais surtout bien loin des blockbusters friqués qui ont fait sa renommée mondiale, pour leur préférer le circuit plus riche et bien plus fin du cinéma indépendant.


Du joliment macabre La Dame en Noir au verbal et tragique Kill Your Darlings, en passant par la love-story vengeresse et démoniaque Horns d'Alexandre Aja - sans oublier la délicieuse romcom Et (Beaucoup) Plus si Affinités -, Radcliffe s'est constitué une filmographie solide et peut même se targuer d'incarner l'un des comédiens les plus demandés du moment.


Au sein d'une année 2015 ou il s'est montré étonnement discret (le tournage du potentiellement spectaculaire Insaisissables 2), le voilà de retour à un mois du réveillon avec Docteur Frankenstein, ou une énième relecture du chef d’œuvre de Mary Shelley signé Paul McGuigan et également porté par l'excellent James McAvoy.


Pari hautement osé (Frankenstein est sans aucun doute l’œuvre de la littérature anglaise la plus usée avec Sherlock Holmes) au sein d'une distribution annuelle ou les péloches fantastiques n'ont pas réellement attiré les spectateurs dans les salles obscures, Victor Frankenstein en v.o chercher à offrir une vision novatrice de l'histoire connu de tous, en s'attachant au regard d'Igor Strausman, personnage fictif du mythe (il n'apparait nullement dans le roman) et bras droit du Doc.


Le film compte donc les aventures du scientifique aux méthodes radicales Victor Frankenstein et de son tout aussi brillant protégé Igor Strausman.
Tous les deux partagent une vision noble : celle d’aider l’humanité à travers leurs recherches innovantes sur l’immortalité.
Mais les expériences de Victor vont trop loin, et son obsession engendre de terrifiantes conséquences.
Seul Igor peut ramener son ami à la raison et le sauver de sa création monstrueuse...


A une époque ou les renaissances en tout genre (reboot, prequel, suite, remake et plus encore bientôt) masquent de plus en plus le manque flagrant d'inventivité qui gangrène le septième art - et en grande partie celui ricain -, mais surtout ou la major Universal tente de constituer avec son Universal Monsters - un shared universe à l'ampleur aussi impressionnant que le MCU -; voir débarquer la célèbre créature créée par Frankenstein une nouvelle fois sur grand écran, n'a donc rien de réellement surprenant (surtout que la précieuse Penny Dreadfull l'ayant tout récemment fait revivre sur le petit écran).


Peu surprenant donc mais pas forcément navrant pour autant, tant cette cuvée modernisée apporte une vision revisitée qui si elle n'est pas follement originale, s'avère au moins divertissante et légitime de l’œuvre de Mary Shelley, dont il s'affranchit avec malice.


Prenant place dans un somptueux Londres victorien, Docteur Frankenstein conte les prémices des recherches de Frankenstein (dont le génie scientifique est ici retranscrit de manière hautement ludique) et sa relation amicale ambiguë et complexe d'avec Igor, un monstre de cirque qu'il recueillera pour le soigner et profiter de son intelligence.


Fascinant, gothique, sombre mais pas trop, reléguant intelligemment son monstre à une apparition de luxe (et follement tendue) dans son ultime bobine, le film de Paul McGuigan (déjà derrière la réalisation de quelques épisodes de la série Sherlock) à l'esthétique léchée (jusque dans son bestiaire impressionnant) mais non-exempt de quelques défauts dommageable (la narration sur-expliqué, ou encore la présence inutile du méchant policier campé par le génial Andrew Scott) et d'une mise en scène impersonnelle; jouit en revanche d'une partition impliquée de son duo vedette à l'alchimie convaincante.


Totalement habité, James McAvoy est remarquable en Frankenstein, torturé par une passion dévorante et bigger than life dans sa quête de création; tandis que Daniel Radcliffe lui s'avère très juste dans la peau d'Igor, créature lui aussi du Doc dont la dette (voir même l'amour) pour celui-ci l'oblige à lui être d'une fidélité sans phare.


Pas la catastrophe redoutée, réussi et plaisant sans pour autant casser trois pattes à un canard, cette vision 2015 du mythe de Frankenstein a pleinement le mérite de légitimité son existence via une histoire aussi prenante que porté par plus d'un point intéressant (son traitement des personnages, un Frankenstein qui pour une fois n'est pas éclipsé par sa créature).


Reste que dans le genre, on lui préférera tout de même la précieuse Penny Dreadfull, plus divertissante mais surtout bien plus maitrisée.


Jonathan Chevrier


http://fuckingcinephiles.blogspot.com/2015/11/critique-docteur-frankenstein.html

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le 25 nov. 2015

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