Doctor Sleep pourra manifester un double symptôme de notre temps.


Il sera tout d'abord une nouvelle occasion de rabâcher, pour les vieux grincheux, que l'on n'invente plus grand chose aujourd'hui et que l'on se contente de revisiter ou d'émuler les mythes histoire d'exalter une forme de nostalgie bienveillante. Ils vous rajouteront certainement, parce qu'ils sont très prévisibles en plus, que Ready Player One, c'était déjà un blasphème très beurk quand Spielberg le vilain entertainer s'était aventuré à reformuler sa vision de l'hôtel Overlook. Et que c'était en CGI dégueulasses. Parce qu'en plus, ils ont la cataracte.


Il pourra ensuite être vu comme tombant dans le piège malheureux de s'envisager comme l'adaptation de sources contraires : jouant à la fois de son statut de suite à l'immortel Shining du Maître Stanley Kubrick et d'adaptation du pavé du Maître Stephen King.


Alors même que de telles sources était par nature inconciliables.


Il sera donc clair que Mike Flanagan ne pourra pas regarder Stanley Kubrick dans les yeux, et qu'il ne faudra pas compter retrouver la force d' Oculus, au pif.


Mais, même si d'autres éclaireurs vous diront que c'est bien bâtard, voire foiré, comme je m'y attends, il n'en reste pas moins que le masqué est resté sous le charme de ce Doctor Sleep.


Rebecca Ferguson n'y est pas pour rien, tant elle apporte une attirance étrange et une sensualité vénéneuse à son personnage de maitresse d'une communauté occulte vagabonde évoquant dans son addiction un nouveau vampirisme. Une communauté que l'on verra tout d'abord attirer, puis recruter. Pour finalement tuer, à l'issue d'un rapt où l'innocence sera malmenée, souillée, transpercée, consommée. Et même si les origines du groupe ne sont pas abordées, celui-ci rend curieux le spectateur et, d'une certaine façon, le fascine.


Comme il sera tenu en haleine par l'affrontement extra sensoriel auquel se livrent les différents personnages du récit, restituant la force et de la puissance du shining. Par ce partage d'un don médiumnique à plusieurs facettes. Par cette obsession toute Kingienne de la bibliothèque mentale.


Danny, lui, a bien grandi, et bénéficie de la présence d'un Ewan McGregor cabossé traduisant tant son équilibre précaire que sa difficulté à museler ses démons et ses fantômes. Inscrit entre sa relation avec Dick, déclinante, et sa rencontre avec la jeune Abra, adolescente forte n'étant pas exempte de sa part d'ombre.


Si vous escomptez vous faire peur avec Doctor Sleep, vous sortirez de la salle à l'évidence déçu, tant le film marche bien plus sur l'aspect fantastique de l'aventure, la perception du combat psychologique qui se livre ou encore la représentation de la projection à laquelle se livrent certains personnages, réservant quelques jolis mouvement de caméra se jouant de l'apesanteur ainsi qu'une exploitation plutôt bien vue de l'imagerie Shining.


Et si l'on pressent la manière dont tout cela se terminera, Doctor Sleep n'en demeure pas moins un long-métrage au charme assez vénéneux, qui ne lâchera jamais celui qui s'y abandonne, renouant avec les pas dans la neige, les chemins taillés dans un immense labyrinthe végétal et les fantômes d'un passé de cauchemar mis en scène par un aîné devenu culte après un accueil mitigé lors de son exploitation en salles.


Les hommages apparaîtront sans doute trop appuyés aux yeux de certains, mais il suffit pourtant d'entendre les quatre premières notes du thème célèbre pour immédiatement replonger dans les méandres de l'hôtel Overlook. Pour céder à la fascination d'une mythologie inaltérable et à une ambiance à la fois unique et mortifère.


Et Doctor Sleep réalise cela pendant les plus de deux heures trente de projection, livrant un récit d'une fluidité exemplaire, au rythme étudié, témoignant des incroyables qualités de conteur de Mike Flanagan, loin de la juxtaposition de vignettes horrifiques de Ça : Chapitre 2, pas désagréable au demeurant mais uniquement fonctionnelle.


La magie convoquée est envoutante, la réappropriation convaincante, l'aura fantastique prégnante. Il ne fallait que cela pour me convaincre. Mike Flanagan a donc tenu son pari.


Behind_the_Mask, qui demande au réceptionniste si l'hôtel dispose d'une chambre 237.

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