Lorsque Danny circulait dans les longs couloirs psychédéliques de l’hôtel assis sur son petit véhicule, nous ressentions la fragilité de cet être chétif soumis aux caprices de la destinée et aux pouvoirs magiques – disons télépathiques – capables de déjouer la folie environnante. Or, rien de tel avec cette suite indigne qui évacue totalement l’idée d’enfant pour n’en proposer, en lieu et place, qu’un ersatz plus proche de l’adulte précoce.


Doctor Sleep oublie le corps, ses transformations et ses désirs, se méprend quant aux âges qu’il investit, enchaîne les plans mais ne dit rien de l’enfance, et donc rien du monde adulte, qu’il s’agisse de la jeune Abra Stone ou des cauchemars qui continuent de hanter les grandes personnes, en particulier Danny et Rose. Comment penser le cauchemar paranoïaque de l’œuvre originale sans se mettre à hauteur d’enfant ? Mike Flanagan n’a retenu de The Shining que le clinquant, si bien qu’il se contente de recréer des atmosphères déjà ressenties, des décors déjà vus et qui réjouiront peut-être les fans de la première heure, mais guère le plus exigeant des spectateurs qui ne verra là qu’un pâle reflet d’un chef-d’œuvre qui se suffisait à lui-même.


Et puis quel est ce besoin contemporain de tout vouloir expliquer ? De Alien : Convenant à Ça : Chapitre 2, voici les grandes mythologies du cinéma cisaillées, entaillées, désossées, rien ne doit rester opaque… Dans nos sociétés occidentales en carence de dieu, le cinéma grand public atteste un déficit croissant de religiosité, immergeant son spectateur dans un univers atrophié, privé de toute profondeur ésotérique. Car ce qui fait la beauté et la grandeur d’une œuvre d’art ne réside pas tant dans ce qu’elle nous dit que dans ce qu’elle garde pour elle, dans ce fond d’inexprimable avec lequel nous entrons en communion, avec lequel notre solitude entre en communication.


Doctor Sleep témoigne à ce titre d’une pauvreté qui est triste à voir tant il accumule les poses et les idées ridicules – l’antagoniste au chapeau est minable –, tant il pousse ses personnages à sauter d’un lieu à l’autre à la manière de ces super-héros pixelisés qui envahissent nos écrans, avant de faire surgir, trois quatre cinq fois sur les deux heures et demie de film, la vieille femme nue dans sa baignoire. Tout est là et pourtant tout gêne. Le grand massacre d’un cinéaste par un mauvais copiste.

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le 22 janv. 2020

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