Convenu, mais bienvenu.

Soyons clair dès le départ : Doctor Strange est un film convenu qui remplit parfaitement le rigide cahier des charges élaboré par Marvel. Rédemption / amour, / dépassement de soi / humour et fin du monde sont autant de thèmes explorés 10 000 fois par les studios que vous allez fatalement retrouver dans ce film comme dans les autres, le tout enveloppé dans une origin story des plus banales. Bref, si vous recherchez de l'originalité narrative, tournez les talons cette œuvre n'est clairement pas pour vous.

Niveau histoire, Doctor Strange nous raconte les péripéties de Stephen Strange, neurochirurgien de génie, brillant autant qu'arrogant, qui perd le plein usage de ses mains dans un accident de voiture. Désespéré à l'idée de ne plus être capable d'opérer, il recherche activement tous les traitements qui pourraient lui rendre sa dextérité d'antan, et finit par être redirigé vers une mystérieuse sorcière et ses disciples, dont les talents pourraient lui être d'une grande aide. Débute alors un parcours initiatique qui le forcera à remettre son monde en question, à commencer par l'image qu'il a de lui-même.

Difficile, bien entendu, de ne pas faire le parallèle avec un autre personnage bien connu du MCU, à savoir Tony Stark. Arrogant vendeur d'armes qui en vient à exploiter ses talents d'ingénieur pour se sauver la vie puis sauver le monde après avoir fait son auto-critique et son mea culpa. Strange appartient à cette catégorie de personnage, heureusement Benedict Cumberbatch le joue suffisamment bien pour parvenir à marquer la différence, et livre un bonhomme tout à fait convaincant et appréciable. Ce qui n'est pas forcément le cas des autres personnages, qui sont hélas très mal écrits.

Je ne sais pas vraiment quelle est la raison de ce raté, mais globalement aucun personnage à l'exception de Strange et de l'Ancien (campé brillamment par Tilda Swinton) ne parvient à éveiller un quelconque intérêt. S'en devient presque un exploit quand on voit le casting 5 étoiles ! Rachel McAdams joue l'intérêt amoureux le plus transparent du monde (pire que Nathalie Portman dans Thor, c'est vous dire), Chiwetel Ejiofor un camarade d'armes au caractère peu défini, Benedict Wong un comic relief qui n'est au final absolument pas drôle… surtout, Mads Mikkelsen (Mads Mikkelsen quoi !) joue un des méchants le moins menaçant et le moins intéressant du MCU, ridiculement facile à défaire. Bref tout cela est bien dommage et nuit beaucoup au scénario du film qui s'appuie énormément sur ces personnages sans panache.

Heureusement il y a quelque chose qui sauve l'ensemble : les CGI. Strange est un film psychédélique qui profite du thème de la magie pour enchaîner des effets plus pétés les uns que les autres et qui donnent des scènes non seulement drôlement impressionnantes, mais en plus relativement facile à lire malgré la complexité des effets. La bataille de New-York, à base d'immeubles déformés, de rues tordues, de façades tournantes et d'inversion du haut et du bas, est un bijou d'inventivité et d'exécution. La bataille finale, avec son explosion en sens inverse en arrière plan tandis que tout se passe sur la bonne échelle temporelle du point de vue de nos héros, est également extraordinaire, même si sa conclusion est un peu facile. C'est véritablement du miel pour les yeux, bien que je déconseille aux épileptiques et aux personnes sensible à la motion-sickness de tenter l'expérience. Je regrette juste que cet effort esthétique n'ait pas été poussé jusqu'à prendre l'ensemble de la photographie du film, qui reste assez conventionnelle.

Bref, pour résumer, Strange a une histoire sans grand panache, mais offre une expérience esthétique assez poussée et originale pour justifier sans mal son visionnage. Cela lui permet de se placer sans mal dans la continuité des autres films Marvel, tout en offrant une personnalité esthétique tout à fait à part et très cohérente avec les termes mystiques abordés. Surtout, Strange est un personnage qui apparaît avoir beaucoup de potentiel : sans doute lui suffira-il d'une écriture à sa hauteur pour avoir droit à un film brillant. Dans le futur, peut-être ?