Une ville sans attrait, plus ou moins loin de Naples, s’accroche avec l’énergie de son désespoir à une plage déserte. Au milieu des couleurs délavées et d’une morne torpeur, subsistent les vestiges architecturaux du rêve italien. Celui dont les « rescapés » préfèrent respirer la poussière plutôt que de la balayer. Restent de misérables commerces, où règne un substrat de vie sociale et de civilisation. Parmi les enseignes, il y a la boutique de Marcello, toiletteur pour chiens chétif et pagnolesque, qui vit seul mais qui reçoit les visites d’une fille qu’il a eu avec une femme qui ne lui adresse plus le moindre regard ni parole. Précautionneux et bienveillant dans son travail auprès des chiens, Marcello entretient de bonnes relations avec les voisins. A défaut d’une vie heureuse, Marce se plaît à subsister honorablement sans rêver du moindre soubresaut.


Dans cette ville où il n’y a pas grand chose à faire si ce n’est survivre tant bien que mal, sniffer de la coke et faire de la moto sans casque, Simone occupe une place bien particulière. Celle qu’on abaisse au rang d’idiot du village pour ne pas citer les mots « psychotique » et « sanguinaire ». Simone utilise et malmène Marce avec une perversion au moins égale à son déficit social et intellectuel. Il a pour lui la force des épaules, ainsi qu’une impunité qu’on ne nomme pas mais qu’on devine. Celle dont le chef d’oeuvre et premier film de Matteo Garrone était le théatre dramatique : Gomorra.


Si on ne doute pas un instant que dans l’esprit de Simone, le faible toiletteur puisse être ce qui ressemble au plus près à un « ami », la tolérance voire l’asservissement que lui voue Marce vient s’inscrire dans quelque chose d’autrement plus subtil et plus enfoui profondément. Dans un crescendo de violence annoncée, Dogman illustre la complexité des rapports de domination et les limites de l’humanité, dans un monde où le bon et mauvais côté de la laisse n’a jamais semblé aussi flou, et où il faut parfois laisser surgir des instincts primaires pour briser ses chaînes. Avec en plus la dramatique certitude que pourtant rien n’ira mieux.


Le cadre et la photographie sont sobres mais efficaces, puisent dans ce que le néo-réalisme a toujours su produire de mieux : des personnages incarnés physiquement, un hors champ omniprésent, et tant pis si les néophytes ne retiennent que les gueules cassées du désenchantement...


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Créée

le 22 juil. 2018

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