Dolls est un peu un film à part dans la carrière de Takeshi Kitano étant donné qu'il quitte enfin le monde des yakuzas pour ne pas faire une oeuvre de comédie. On est ici dans une sorte de théâtre tragique, du Bunkaru, qui content l'histoire de poupées amoureuses mais dont le destin est tragique. Et Kitano va nous démontrer que les poupées, ici, sont les trois couples que nous allons suivre dans leur tragédie.
Première différence très marquante par rapport à ses autres opus, c'est que la photographie est très soignée. Lors d'une interview donnée pour les bonus de Dolls justement, Kitano avait beaucoup entendu des gens se plaindre que ses films étaient grisâtres, ternes, mornes. Cela l'avait plutôt déçu car comme il le dira: "je tourne pourtant en couleur". Pourtant, cette ambiance morose correspondait assez bien au pessimisme qui entoure ses films. Donc, ici, Kitano a décidé d'ajouter énormément de couleur. Et ça fonctionne très bien, car pour peu, on se croirait dans un film de Zhang Yimou. Ce sont de véritables peintures filmées. Bref, de ce côté-là, c'est un véritable régal.
Ensuite, Kitano quitte donc son sujet principal, à savoir celui d'un yakuza qui cherche la rédemption à travers la mort ou tout simplement le désespoir d'une jeunesse, condamnée à une forme de chômage ou aux moqueries parce que ne s'installant pas dans le système traditionnel du Japon (voir les autres films du metteur en scène). Ici, c'est trois histoires d'amour, toutes différentes, que nous conte Kitano. Mais elles ont le même point commun: elles sont toutes tragiques et voient une nouvelle fois le désespoir s'installer au bout du chemin. L'avantage, c'est que Kitano propose plusieurs points de vue: on peut y voir une forme d'égoïsme, à certains personnages de vouloir absolument faire ce qu'ils font: le chemin de la rédemption en compagnie de son ex fiancée pour le jeune homme, retrouver son vieil amour pour le yakuza, le fan qui se crève les yeux pour prouver son amour à la star. Mais c'est aussi une façon de se racheter de leur conduite, de vouloir retrouver quelque chose, être le seul prétendant à faire ce geste, bref, une façon de se sentir meilleur (selon les personnages).
Enfin, Kitano nous invite véritablement dans ces trois voyages. C'est une peu une sorte de film de contemplation. Très très peu de paroles. Le silence prend une énorme place. Limite, on serait dans du muet que ça n'aurait presque rien changé (bon j'exagère, j'avoue). Soit, j'ai vraiment trouvé que ce silence avait sa place. Premièrement parce que les trois couples n'ont rien d'heureux. Le silence est une bonne façon d'exprimer des regrets, ou tout du moyen de montrer qu'il n'y a pas de joie. Ces trois amours sont étranges et il faut le montrer d'une certaine manière. Ce silence est aussi important pour le téléspectateur car je pense qu'il l'invte à entrer dans le film et à rentrer dans la peau à chaque fois, d'un des personnages.
A mon sens, Kitano signe une nouvelle fois un très grand film. Un cinéaste qui devient, à mes yeux, incontournable.