They are not even smart enough to be as evil as you're giving them credit for.

Un film aussi jubilatoire que troublant, aussi délicieux que terrifiant, aussi pertinent que décalé. À l’image de ses précédents films, Adam McKay déballe un humour noir, cynique sur notre société et n’hésite pas à nous mettre sous le nez ses aspects les plus révoltants. Le film agit comme un ultimatum, car si l’allégorie de la crise climatique est plus qu’évidente, c’est surtout le contexte dans lequel elle prend place qui est ici dénoncé : des politiques incompétents qui n’écoutent pas les avertissements scientifiques, aussi fondés soient-ils ; des scientifiques à bout et qui finissent par laisser parler leur frustration, même si ça va à l’encontre de la bienséance médiatique ; des médias superficiels qui préfèrent détourner l’attention du public que de lui laisser entendre la vérité ; un public qui se laisse abreuver par les réseaux sociaux et qui n’a pas la curiosité de se renseigner et d’apprendre, qui se laisse guider par des leaders qui se soucient en réalité plutôt de leurs propres fesses ; des industriels prêts à tout pour préserver leurs investissements, même si ceux-ci signent notre arrête de mort, ou à se lancer dans des délires mégalomaniaques qui ne concernent qu’une élite triée sur le volet…


Ce qui dérange avec Don’t Look Up, c’est qu’il a beaucoup trop juste sur beaucoup trop de points beaucoup trop souvent. Ce qui se présente comme une satire acide de notre société se retrouve parfois beaucoup trop proche de la réalité pour ne pas plonger dans la Valée de l’étrange. C’est ce qui rend le film incroyable, avec une métaphore à peine voilée, des personnages qui visent sans se cacher des personnalités ou des groupes de personnes. Encore plus incroyable, il peut paraître même aussi hystérique et alarmiste que les astrophysiciens du films, mais aussi les scientifiques de nous jours. Sans forcément apporter quelque chose de plus à la problématique du réchauffement climatique, le film nous présente avec une factualité presque scientifique l’état de notre société et l’urgence de la changer si on veut éviter le même sort funeste des personnages. Parce que oui, le film est volontairement pessimiste, car il traduit aussi un climat ambient plus que pessimiste si rien ne change. C’est ce qui le rend aussi pertinent et efficace dans ce qu’il construit.


Après, oui, il n’est pas exempt de défauts. Et son plus gros défaut, c’est son rythme. Autant la première heure passe toute seule, tant on est transporté par la folie ambiante qui anime l’intrigue et les personnages ; autant, le soufflet finit par retomber. Il aura du mal à réellement se remettre d’aplomb, en dehors de quelques sursauts et d’un final où tout part à vau-l’eau, où on voit presque la société se désagréger en même temps que l’intrigue. Quant à la conclusion, aussi noire que jouissive, elle met l’accent non plus sur l’urgence, mais ce qu’on a à perdre à ne rien faire : pas seulement notre planète, mais aussi nous, notre humanité, notre conscience. Cette conclusion peut paraître un peu en décalage avec le reste du film (et l’épilogue nous présenter un des fusils de Tchekhov les plus improbables), mais je trouve qu’au contraire, elle s’inscrit plutôt bien dans ce que le film essaye de dire.


Un autre défaut qu’on peut pointer, c’est le développement des personnages de Randall et Kate, après que le rythme commence à retomber. Le premier se perd dans une intrigue secondaire pas franchement pertinente même si elle est là pour montrer l’évolution que peuvent prendre certains scientifiques et le dilemme auquel ils peuvent être confronter. La seconde finit presque par être mise de côté, abandonnée, presque ostracisée ; ce qui représente aussi un aspect de ce qui peut arriver, mais du coup le personnage perd aussi en intérêt. Au-delà même du rythme, on peut aussi reprocher que la seconde partie du film soit en générale moins efficace dans ce qu’elle essaye de faire et qu’elle finit donc pas traîner sur quelques longueurs, jusqu’au dernier acte. Du coup, on parle ici plus d’un problème structurel qui lie organiquement la deuxième partie du film à la première.


Le casting cinq étoiles est à la hauteur de ce qu’il promet. Ron Perlman et Ariana Grande ont des rôles mineurs, mais qui se révèlent d’autant plus hilarants tant on frôle l’autoparodie (l’un par rapport au genre de personnages qu’il incarne, l’autre par rapport à ce qu’elle représente). Timothée Chalamet est un peu plus discret, mais reste sympa. Tyler Perry et Cate Blanchett sont juste super dans leurs rôles d’animateurices télé, façade factice complète de bout en bout. Mark Rylance se trouve dans un rôle qui semble bien lui convenir, dans lequel il exacerbe son jeu, rendant son personnage d’autant plus antipathique. Jonah Hill et Rob Morgan sont eux aussi très bons dans leurs rôles respectifs, apportant le soutien nécessaire pour le trio qui portent ce film.


Cela fait un moment qu’on n’aura pas vu Jennifer Lawrence aussi bonne, nous rappelant ce dont elle est capable. Leonardo DiCaprio est toujours aussi impérial, d’autant plus qu’on le sent habiter par une mission et un investissement total. Il nous fait ressentir toutes les émotions de son personnage, l’urgence de la situation, sa frustration, ses peurs, ses doutes. Mais tout ce beau monde s’incline devant l’immense Meryl Streep, dans l’un de ses meilleurs rôles, et sans doute son rôle le plus détestable depuis Miranda Priestly. La cible visée ne fait aucun doute et on sent que Streep s’est régalée à y déverser tout son talent « surfait ». Jubilatoire.


Ce sera sans doute techniquement le film sera le moins mémorable. Si la musique est dans l’ensemble assez classique et discrète, la chanson aussi improbable qu’incroyable d’Ariana Grande restera dans les mémoires. De même, décors et effets spéciaux sont dans l’ensemble corrects sans non plus chercher la surenchère (sauf peut-être à la fin du coup). Quant à la mise en scène, McKay proposera quelques plans vraiment intéressants, tant ils renvoient à un imaginaire collectif fort propre au genre catastrophe, mais avec aussi des compositions intéressantes dans la symétrie et la photographie.


Bref, Don’t Look Up est un film qui s’est annoncé vers le tard et qui a tout de suite su titiller ma curiosité. Au bout du compte, il sera parvenu à combler toutes mes attentes, sans me décevoir. En dehors de son rythme et de quelques intrigues superflues, il s’en dégage une satire qui résonne tellement bien avec notre société qu’elle en devient aussi savoureuse qu’effrayante.

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le 22 janv. 2022

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vive_le_ciné

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