Donnie Darko, un adolescent perturbé voit apparaître un étrange individu revêtu d’un costume de lapin effrayant qui lui annonce la fin du monde prochaine, qu’il est chargé d’empêcher. Les jours passent, des événements étranges se produisent, lui donnant des indices sur la marche à suivre. Entre temps Donnie supporte de moins en moins l’enseignement de son école. L’occasion de pointer du doigt quelques dérives de l’ère post-Reagan, entre un catholicisme bienpensant et hypocrite, un système éducatif renfermé sur lui-même perdant contact avec les élèves. Des préceptes ridicules sont enseignés (d’après Richard Kelly la Ligne de Vie a vraiment été enseignée…) tandis que des méthodes plus pertinentes sont rejetées.

Folie de l’adolescent qui n’en est pas à ses premières visions, ou vrai apparition d’un individu venant du futur ? La question se pose légitimement en début de film, avant que des indices troublants semblent révéler que quelque chose est bel et bien en train de se produire.
Donnie Darko part sur la piste des trous de ver, les ponts ER (Einstein-Rosen) prévus par Einstein dans le cadre de sa relativité générale, qui en théorie relieraient deux régions éloignées de l’espace-temps, le présent d’une région avec le passé d’une autre. Ses visions correspondent à ce qui est expliqué dans un livre écrit par une vieille femme, et le persuadent qu’il est ainsi capable d’apercevoir le futur prédéterminé, d’avoir la chance de voir à travers le « canal de dieu ». L’adolescent élu/perturbé suit donc les événements que d’après lui il est supposé accomplir pour éviter la fin du monde.

A la fois film de science-fiction, horrifique, psychologique, drame et critique de la société, « Donnie Darko » peut aisément dérouter. Essentiellement à cause de la fin, il fait partie de ces films quasi incompréhensibles au premier visionnage, sans analyse ultérieure. Il est d’ailleurs conseillé pour ce genre de films de le regarder plusieurs fois pour bien comprendre. Comme je ne revisionne que très rarement un film, j’ai préféré réfléchir par moi-même, lire des analyses qui ont déjà été réalisées sur internet et tenter d’élaborer ma propre interprétation.
Ce n’est qu’une fois avoir été convaincu que le film possédait bel et bien une explication qui tient la route que j’ai enfin pu l’apprécier, et reconnaître sa qualité. Même s’il ne s’agit que de ma propre interprétation et qu’elle n’est sans doute pas parfaite.

SPOLIERS SUR LA FIN
Le trou de ver qui allait amené le réacteur à s’écraser sur sa maison le 2 octobre se crée, résolvant ce qui semble avoir été un paradoxe temporel, une anomalie dans la trame de l’univers. Il provoque malgré lui la perte d’êtres chers, mais il reste serein, comme si ce n’était pas si grave et qu’il savait ce qui allait se produire. Il est de retour dans sa chambre à la nuit du 2 octobre, il sourit et il est heureux. Il ne bouge pas et attend la chute du réacteur… Cette nuit là, tout le monde se réveille après avoir fait un cauchemar, comme si ils se rappelaient de tout ce qui s’était passé durant ces 28 jours, événements qui ne sont pourtant pas produit dans cet espace-temps là.

Il parait nécessaire pour y parvenir de faire intervenir un autre univers. En effet même si tout indique l’existence d’une boucle temporelle, vu que tout ce qui s’est passé entre le 2 et le 28 octobre est annulé, c’est que ces événements là ont du se produire dans une autre réalité. En raison d’une anomalie cosmique, non expliquée car il ne nous ne serait pas possible de la comprendre, un vortex temporel se crée, entraînant la création d’un autre univers (baptisé univers tangent dans plusieurs analyses). Le vortex relierait donc le 2 octobre de notre réalité, avec le 28 octobre d’une autre réalité. Pour résoudre l’anomalie, il faut impérativement que ce vortex s’ouvre ce 28 octobre dans la réalité tangente, celle dans laquelle se produisent les événements racontés dans le film suite au crash du réacteur. Donnie Darko, directement concerné, est donc choisi. Dieu, l’horloger cosmique ou peu importe le nom que l’on choisisse de lui donner - à moins que ce ne soit tout simplement l’univers, entité non consciente, qui réagit de lui-même comme un système qui répare un déséquilibre- met donc en place les événements qui devront se produire, comme en amenant un individu amené à mourir (l’homme en costume de lapin) guider Donnie. D’ailleurs, inconsciemment, tous les individus impliqués guident Donnie et l’amènent là ou il doit se rendre, comme la prof d’anglais avec la « porte du cellier », le prof de physique qui consent à lui parler de voyage dans le temps, la vieille femme qui a écrit le livre et qui a attendu toute sa vie la lettre que devait lui écrire le jeune homme.
Dans cet univers tangent, Donnie a connu l’amour dans les bras d’une fille (très mignonne au passage). Il n’a plus peur de mourir seul, ce qui était sa crainte qu’il a confié à sa psy. Il peut donc aborder cette finalité avec sérénité et même du bonheur.

La plupart des interprétations que j’ai lues suggéraient que Donnie choisisse de se laisser mourir pour éviter de causer des morts, mais elle ne me convient pas. D’abord je la trouve très triste, c’est tout simplement horrible de se dire que le monde serait mieux sans soi, ce qui serait assez en désaccord avec le bonheur qu’il ressent. Enfin je ne la trouve pas vraiment cohérente : les morts qu’il a causé indirectement ne sont arrivés que parce qu’il a du agir pour créer un vortex. S’il ne doit plus en ouvrir un, ce qui est le cas dans notre réalité, il n’y a à priori pas de raisons que ces morts doivent se produire à nouveau. Puis rappelons la conversation avec le prof de physique, qui affirmait que s’il était possible de percevoir le destin, celui-ci ne serait plus prédéterminé puisqu’il serait possible de le modifier, ce que réfutait Donnie. Ma théorie, c’est donc que ce dernier avait du voir tout ce qui allait se produire, ce qui a du se produire je pense en entrant la tête dans le tube translucide qui sortait de son corps. Ce serait la raison pour laquelle il éprouve si peu de chagrin à la mort de Gretchen, et qu’il tue sans être sous l’emprise de la colère Frank. Il a compris que tout allait être effacé et qu’il allait être de retour à la nuit du 2 octobre, avant le crash du réacteur. Il a vu que son destin était de mourir cette nuit-là (il n’a survécu que dans un autre univers pour réparer une anomalie), mais il accepte cette fatalité puisqu’il a pu connaître enfin le bonheur et la sérénité. Une fin à la fois triste et belle, merveilleusement montrée par la musique de REM, « mad world ».
Enlak
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le 11 juil. 2014

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Enlak

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