Un moment de flottement avec les derniers films d'Almodovar en manque de verve et de folie, mais comme pour Woody Allen, on est toujours tenté de vérifier la possible renaissance et le retour aux grands moments cinéma. Douleur et Gloire n'atteint pas pour autant les réussites de ses débuts, du certainement au ton plus personnel de l'œuvre, au manque de sursaut et d'originalité dans son scénario et sa narration qui suivent toutes les étapes nécessaires à la déclinaison des tourments.
Une sorte de statu quo et d'introspection douloureuse pour le cinéaste à l'image de son personnage.
La prestation d'Antonio Banderas, et son jeu d'infimes expressions et la présence certes épisodique de Pénélope Cruz toujours parfaite chez Almodovar, sauvent le film d'un léger manque d'émotion, rattrapé par ses beaux moments plein de fraîcheur, de solidarité et des premières luttes contre la dictature de l'Eglise, toujours récurrent chez le cinéaste, et toujours assez jouissif, sans en atteindre le niveau de La mauvaise éducation, mais là n'étant pas le propos.
Les relations parentales, l'absence du père, le deuil, l'homosexualité, les thèmes chers au cinéaste se retrouvent même si l'ensemble étonne encore une fois par son aspect plus édulcoré qu'à l'accoutumée. Moins de musique, moins de chant moins de couleur vive, moins de crudité et moins de théâtre mais des décors travaillés, un rapport à l'art toujours présent avec ces formes géométriques et sa gestion des couleurs, et ces femmes toujours aimantes mais dangereuses. Les héroïnes du cinéaste souvent en premiers rôles, seront cette fois-ci en filigrane, remplacées par le thème plus approfondi et bien moins extravagant du cheminement d'un homme vieillissant. Des années 60 à la grande époque des années 80 et de la liberté nouvellement acquise, à un présent où les souvenirs, les joies et les traumatismes ressurgissent. Un retour sur image débutant par une voix off, alternance de flashback nostalgiques pour pointer l'heure du bilan, l'âge et ses troubles physiques, avec le poids d'un corps malade lourd à porter, qui vient conforter une dépression en latence et la nécessité de réagir. Les amours et les amitiés perdues à reconquérir ou les retours à l'enfance et à un environnement simple et lumineux, les premiers émois et l'amour maternel soulignent parfaitement la fracture avec la vie d'adulte à l'environnement froid, aux murs garnis de toiles, comme rempart à l'extérieur, symbole d'une réussite matérielle bien faible en regard de la solitude. Tout ceci pourtant est rabattu, et le regard porté n'évite pas quelques clichés, les femmes étendant leur linge en plein soleil, chantant allègrement malgré une vie de misère et de labeur, des passages médicaux dont on se serait finalement passé, ralentissant un rythme accusant déjà quelques longueurs, et des dialogues parfois légers. Un final téléphoné, avec le film dans le film peut paraître grossier pour signifier le renouveau salvateur de l'artiste. Pourtant il se dégage par le ton mélancolique et ces réminiscences surprenantes, un grand plaisir de visionnage.
L'universalité du propos nous rappellera à quel point on a du mal avec la notion de mortalité, qu'elle soit celle de l'enfance, physique ou créative.

limma
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le 28 sept. 2019

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