Plusieurs centaines de critiques ont déjà commenté ce film. Je ne m'attarderai donc pas trop là-dessus. Quelques raisons succinctes qui me poussent à attribuer une note simplement correcte à un bon film qui ne relève pas à mes yeux du chef d’œuvre.
Tout d'abord, les arguments proposés tant par un camp comme un autre sont contestables, et en concédant la voix de la raison au camp "innocent", le film laisse une frustrante impression d'inachevé;
Les arguments du camp "innocent" semblent sortir d'un chapeau de magicien au gré de la progression du récit. Excellente prosodie du film certes, mais atteinte évidente à sa vraisemblance. Sartre (qui attaquait sur ce point son homologue dans un article devenu célèbre intitulé " Monsieur François Mauriac et la liberté") aurait pu dire que ces personnages ne sont pas "libres" mais manipulés par un narrateur (ou par le scénariste, si vous voulez) omniscient et tout-puissant, voulant à tout prix imposer son point de vue unique, partial et arbitraire;
Le soi-disant humanisme du camp "innocent" devient vite pathétique, et la scène finale ainsi que la musique ne viennent que le prouver. Par ailleurs, ces "humanistes" qui défient du regard le dernier résistant du "coupable" font preuve d'un certain despotisme et cherchent à l'influencer physiquement. Retournement moral de situation, manque de cohérence dans l'unité psychologique des personnages;
Encore et toujours les limites de l'adaptation théâtrale. Bien que le travail de Kaufman (photographe) soit remarquable étant donné les conditions de tournage (un seul lieu, des mouvements presque nuls et, quand ils existent, bien trop théâtraux), il se trouve trop limité entre les murs infranchissables de ce huit-clos. Film du verbe et qui veut que le verbe devienne mouvement mais une telle métamorphose est matériellement impossible;
Enfin, la dualité "innocent"/"coupable" est bien trop restrictive et ne laisse guère de place à la nuance. Les enjeux politiques qui apparaissent derrière en filigrane (camp républicain contre démocrate ou libéraux) en deviennent grossiers. On frise le manichéisme primaire.