Comment proposer quelque chose de nouveau et d'intéressant sur un film où tout (ou quasiment) a été détaillé? Franchement je sais pas si c'est un jeu, je sais pas si ça en vaut la chandelle. Dans tous les cas, attelons nous-y puisque j'ai bien peur que sinon, je sois condamné à critiquer du cinéma serbo-croate d'avant 1980. Bien que je n'ai rien contre ce cinéma, comprenez qu'il fallait juste un contrepoint à mon inénarrable cabotinage mâtiné de provocation. Pffff... Reprenons.


C'est un film que j'ai vu assez tard finalement. En fait, pour rien cacher du tout, les films en noir et blanc, ben ça fait pas longtemps que j'ose me les coltiner, comme j'aurais dit avant (paf, 20 personnes en moins, mais qui est ce jeune freluquet qui ose parler comme ça du cinéma? du grand? du vrai?). Pourquoi? Bien tout simplement, parce que le noir et blanc, si comme moi tu n'as jamais été initié et bien ça fait peur. Ça semble chiant, long et tu vois mal. J'avais en permanence cette sempiternelle image de Citizen Kane dans le contexte d'un mauvais cours de français en classe de Seconde. Comme bon nombre d’œuvres étudiées dans ces cours, à jeter au pilori avec l'eau du bain le feeling et le plaisir, au profit d'études de plans, de "ce que l'auteur a voulu dire ici". Attention, je dis pas que ce soit pas important, je pense simplement que comme première rencontre avec le genre c'est pas ce qu'il y a de plus sexy.
Un peu comme quand t'as un premier rencard avec une fille ou un mec. T'es plus intéressé par ses yeux et son odeur que ses positions sur le clivage gauche/droite. Les films en noir et blanc c'était donc resté comme un truc chiant! Dame, c'est tout le contraire! Et il fallait que quelques films me mettent le pied à l'étrier, et j'ai pas été déçu. Donc rassurez-vous, j'ai viré ma cuti. Je m'étais fait une petite sélection des familles, 12 hommes en colère, Psychose, Elephant Man... En effet, j'avais décidé de pas prendre trop de risques.


Mais revenons au film en lui même. De ce que j'ai pu en retenir et de mon point de vue personnel.


Pour l'intrigue


Faisons court, déjà que je me suis pas mal épanché en mode histoire de jeunesse et qu'à ce stade du bordel j'ai déjà du laisser sur le carreau pas mal de lecteurs, soulés par mes atermoiements dans l'bordel.
Donc, il s'agit de 12 hommes, jurés, qui sont chargés de décider de la culpabilité d'un jeune parricide dont les preuves qu'il a commit ce crime semblent accablantes. Dans le système judiciaire américain, avec la perspective de la mise à mort, tous les jurés doivent s'accorder sur le point de la culpabilité ou non. Dès les premiers instants du film, un homme explique qu'il croit qu'il existe un doute possible dans la culpabilité du jeune homme. Il va donc tenter de convaincre les autres et rejouer le procès en déployant force argumentation et déductions pour infléchir la décision qui semble courue d'avance.


Pour la critique


Le premier plan du film, une sorte de travelling vertical, expose le palais de justice et ses colonnes, donnant une puissance implacable à la justice. Le lieu finit par écraser le plan à tel point qu'on ne peux pas passer à côté d'une telle volonté de rendre le film grave d'emblée. Le plan suivant, à l'intérieur dudit palais des hommes et quelques trop rares femmes y marchent, y parlent. Le leitmotiv tient en deux plans, les hommes font la justice, de manière irrévocable.
Assez vite également, on sent qu'il y a la volonté dans la création des personnages de représenter chacun un archétype ou une catégorie de la société. On y retrouve pêle-mêle, le pressé, le je-m’en-foutiste, l'ancien, le vengeur, le raciste, le timoré, l'ouvrier, le bout-en-train, le capitaliste, le gentleman. Cela devient donc un échantillonnage parfait d'une société présentée comme uniformisée, réfléchissant peu. Mais ce qui est encore plus intéressant c'est que chacun n'est pas totalement signé par une caricature du genre qu'il est sensé représenter, de sorte qu'il s'en dégage une impression ultra-réaliste sans tomber dans l'écueil trop évident du chacun qui "jouerai un rôle", bien qu'en fait c'est totalement le cas.
En gros, c'est tellement subtil qu'il faut parfois relire à travers les lignes pour être bien sûr de ne pas tomber trop vite dans les évidences.
Forcément, c'est également une virulente critique du système judiciaire américain et sans trop le dire non plus, car passée au prisme de la condamnation, de la peine de mort.
Pas mal de monde semble être étourdi de la performance d'Henry Fonda et je suis pas totalement d'accord avec cela tellement chacun est parfait dans son rôle. Il en ressort, de mon point de vue, une impression de performance de la mise en scène et de la direction d'acteur.
Le huis-clos est un style passionnant qui ne laisse pas la place à la fioriture, où le moindre écueil peut vous faire décrocher et perdre pied. Ce n'est jamais le cas ici.
Au début de l'intrigue chacun, sauf le personnage de Fonda, semble presque primesautier à juger rapidement cette affaire, et à retourner vaquer à ses occupations. Peu à peu, les regards deviennent plus graves, la chaleur étouffante et l'orage éclate. Des lueurs graves apparaissent dans les yeux, les nerfs se tendent à vif et tous semblent enfin prendre conscience de ce pourquoi ils sont en ses murs.


Quelle claque, quel film! Je vous engage vraiment, surtout si comme moi vous pensez avoir une aversion pour les films un peu datés, à le voir et à constater comme ce film est jeune, intemporel et prenant. Je n'ai volontairement que décris l'intrigue dans ses grandes lignes tant il me semble impossible de raconter tout ce qui s'y passe, mais également pour ne pas risquer de gâcher le plaisir que vous pourriez avoir à y déceler force détails et tours de mise en scène absolument fascinants.


Bonnes toiles !

KévIxe
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le 25 oct. 2017

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Kév Ixe

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