Read My Mind #6 : 12 Hommes en colère (Henry Fonda le projet)

Amie lectrice, ami lecteur, bienvenue dans ce sixième épisode de RMM, où nous allons parler d'un des films les plus aimés sur SC : 14k l'ont noté, 8.7 de moyenne. Rien que ça. Et chez mes éclaireurs ? 143 notes, 9 de moyenne, un seul a noté 6 (bouh !).

Mais, me direz-vous, n’étais-je pas lancé dans un cycle Jim Jarmusch, comme je l'avais fait avec Wes Anderson ? Eh bien si, bravo pour votre sens inouï de l'observation ; mais l'inspiration, ça ne se contrôle pas. Ma tête bouillonne d'idées, je les libère et pour ton plus grand plaisir, je m'offre à toi, public.
Quoi, j'en fais trop ?

Mais

tout ça

on s'en

contrefout.

Êtes vous prêts pour cette union merveilleuse qui, le temps de quelques mots, lie nos esprits comme nos âmes ? Oh, lecteur, comme toi, je ne puis retenir une larme. Mais contenons notre émotion et, une nouvelle fois, bienvenue dans mon cerveau.

All set? Let's read my mind again ! ♪♫

« Enthousiasme : Eh les amis ! Vous avez-vu tout ce qui s'est passé récemment ?

Fierté : Et comment ! Notre critique de Bref a cassé la baraque ! L'équipe SensCritique l'a plébiscitée, on a gagné plein d'abonnés et tout et tout !

Modestie : Oui oh, il n'y a pas de quoi exagérer non plus !

Lucidité: De toute façon, le nombre d'abonnés et de vues ne signifient rien. Un coup de chance, c'est tout. C'est juste parce qu'elle a circulé sur les réseaux sociaux. Y'a des membres bien plus talentueux que nous qui mériteraient d'être mis en avant.

Conscience : Quand-est-ce que vous comprendrez que le succès n'a aucune importance ? La seule satisfaction à tirer de tout cela, c'est d'avoir pu divertir des gens !

Modestie : Merci, Conscience !

Orgueil (les ignorant): Mais ce n'est pas tout ! Enilua et Flagblues ont aimé les RMM !

Fierté : Même que Saint-John Poivrot D'arvor nous a ajoutés à sa liste L'Eclaireur Academy, rendant hommage à RMM ! A nous, quoi !
http://www.senscritique.com/liste/L_Eclaireur_Academy/631446

Ego : Je suis flatté.

Mégalomanie : Aujourd'hui SC, demain l'édition, l'argent, la gloire, le pouvoir, LE MONDE !

Humour : Ah oui ! C'était génial, ça ! Qu'est-ce que j'ai ri ! J'ai même ri aux larmes, tellement ! C'est presque mieux que l'original !

Modestie : C'est même carrément mieux.

Jalousie : Mouais. C'est carrément du plagiat, oui !

Raison : BON OW ! ÇA SUFFIT MAINTENANT ! Vous ne voyez pas que Modestie va faire un malaise ?

Modestie (d'une voix faible) : Je ne me sens pas bien...

Cynisme : La modestie s'étouffe.

Ego : En attendant, moi, je suis content.

Humour : Ego... Tripe ! Huhuhu ! Huhu.

Lassitude : J'en peux plus. Qu'on m' achève...

Raison : Inspiration et Créativité, n'utilisez pas cette conversation pour un RMM, d'accord ? On a une image à faire respecter, je ne veux pas que tout le monde nous prenne pour un connard arrogant et avide de succès.

Lucidité : Même si c'est ce qu'on est ?

Inspiration (d'un ton innocent) : Bien sûr que non, voyons !

Créativité (sifflotant) : Compte sur nous.

Efficacité : Y'en a marre ! Vous allez l'écrire, cette critique, bordel ?

Colère : RAAAAAAAAAAAAAAH ! RAAAAAAAAAAAAH !

Raison : Colère, à la niche !

Colère : KAÏ KAï kaï...

Calme : C'est mieux.

Curiosité : On parle de quel film ?

Imagination : Je peux en inventer un, si vous voulez.

Efficacité : Ça suffit, maintenant ! Finie la récré ! Vous allez tous vous mettre à votre place, Raison sera juge, et vous allez donner votre verdict sur l’œuvre. À l'ordre du jour : 12 Hommes en colère.

Ego : YES! Un film connu ! On sera lus !

Timidité : Lus... Par tous ces gens...

Efficacité (menaçante): Qu'est ce que j'ai dit ?

Raison : Je déclare ouverte la délibération sur le film sus-cité. La plupart d'entre nous l'avons adoré, presque à l'unanimité, ce qui est assez rare. Je donne la parole aux jurés.

Lubricité: Il est nul, ce film. Y'a pas de sexe. Pour le coup, je préférais The Grand Budapest Hotel ou Fight Club.

Amour : J'ai eu du mal aussi: pas de romance. Mais je ne peux pas m’empêcher de l'apprécier quand-même.

Pessimisme : Moi, il m'a déprimé, ce film.

Raison : Hem.. Des avis plus constructifs, peut-être ?

Efficacité : Merci, Raison. Ce film a été tourné en un temps record, 21 jours! Avec le budget ridicule de 340 000 dollars ! Et c'était son premier film! Non mais vous vous rendez-compte? Vous auriez beaucoup à apprendre de Sidney Lumet, bande d'incapables! En plus, toute la trame scénaristique se concentre sur l'essentiel. On a là une œuvre concentrée, qui ne s'allonge pas pour rien. Bref: tout ce que j'aime!

Cinéphilie: Il ne faut pas oublier que c'est avant tout une adaptation de la pièce de théâtre de Reginald Rose, qu'il faudra qu'on lise, d'ailleurs.

Flemme: Oui, mais non.

Cinéphilie: Ne me coupe pas la parole, toi. 12 Hommes en colère est très théâtral dans sa mise en scène: chaque acteur appuie son jeu quand il a la parole, suivant la grammaire du théâtre avant celle du cinéma: qui se lève de sa chaise pour parler, qui pointe son interlocuteur pour focaliser l'attention du spectateur, etc. Première mais non seule déclaration d'amour aux planches de Lumet: plusieurs de ses films sont tirées de pièces.

Toutefois le projet est fondé et produit par Henry Fonda, resplendissant de charisme sans pour autant effacer les formidables jeux des onze autres acteurs.

Humour : Henry Fonda... le projet ! HAHAHA ! On en fait un titre ? Non ? Personne ? Bon.

Cinéphilie : Hem. La sensation de claustrophobie, l'enfermement toujours plus oppressant à mesure que le film se déroule, n'est pas due à la seule force du scénario: Lumet agrémente ses caméras d'objectifs à focales croissantes, donnant l'illusion des décors se rapprochant des personnages, afin de fournir la sensation que la pièce devient de plus en plus étroite.

Lumet filme en trois partie : la première au dessus des yeux, la seconde au niveau des yeux, la troisième en dessous, pour nous mettre peu à peu à la même hauteur que les douze hommes ; nous commençons le film extériorisés, nous le finissions au plus près d'eux, tout comme ces messieurs sont très distants au début de leur entretien, mais en ressortent entravés.

Du génie ? Certainement.

Notons aussi que le film ne contient que 365 plans distincts, contre environ 1500 dans les films contemporains, un atout qui augmente l'impression d'être au théâtre.

Je tiens à remercier Internet pour avoir pu faire semblant de m'y connaître.

Raison (se réveillant) : Euh ! Eh bien, euh... merci Cinéphilie pour cet exposé très... Détaillé. À qui le tour ?

Humanisme : Moi ! Moi ! J'adoooore ce film ! En seulement 1h30, il a su capter les travers de l'humanité dans une grand envergure, sans jamais tomber dans la caricature ni la vulgarisation. En effet, chaque personnage représente une manière de voir le monde, une éducation, un point de vue, un conditionnement. Mais là où dans beaucoup de films ils ne seraient que des coquilles vides sous la personnalité qu'ils représentent, dans celui-ci ils gardent leurs nuances, leur complexité d'êtres humains.

On ne peut ni aimer ni en vouloir à qui que ce soit, car derrière leurs façades, chacun a ses raisons pour agir ainsi, et si certaines de leurs attitudes sont déplorables, elles n'en demeurent pas moins appréhensibles.

Misanthropie : Si tu le dis, vielle branche. De mon côté, ça m'a surtout conforté dans le mépris de mon espèce !

Philanthropie : Mais pour en vouloir à l'humanité, il faut l'aimer ! On ne peut pas détester ce dont on se fout. Alors, ne fait pas le malin, si on a tellement de mal à supporter nos congénères, c'est à cause de l'affection qu'on leur porte. C'est dur de voir notre espèce chérie s’autodétruire alors qu'elle pourrait resplendir !

Bêtise : Gnéh ?

Passion : Qu'est-ce que j'ai été prise par ce film ! Quelle immersion ! Quelle expérience, mes amis ! Et que de tension lors de la mythique scène du couteau ! AH ! J'exalte ! Quel divertissement ! Et avec rien du tout, qui plus est ! Pas besoin de monstres en CGI, de décors faramineux, de milliers de figurants, quid de la montagne hollywoodienne !
Une pièce ! Douze excellents acteurs ! Une histoire en béton ! Et voilà ! Ce film, mes amis ! Ce film ! C'est une leçon de cinéma, une leçon de vie, où l'on apprend qu'on peut faire du grandiose avec pas grand chose ! Ah, mes amis ! AH !

Calme : T'emballes pas, ma jolie. Tu me donnes le tournis.

Raison : Voilà enfin des avis constructifs ! Cela résume bien pourquoi nous aimons tant ce film.

Jalousie : Moi, je ne les trouve pas si bon que ça, ces acteurs. Notre corps ferait bien mieux.

Imagination : Vous savez ce que j'ai adoré, moi, dans ce film ?

Humour: Les couleurs ?

Imagination : Très drôle, humour. Non, ce que j'ai adoré, c'est la puissance avec laquelle Lumet arrive à nous emporter dans une enquête fascinante. C'est vrai, quoi : les personnages revivent toute l'histoire du meurtre, retraçant tous ses éléments. Avec eux, nous vivons un véritable thriller, très cohérent et plein de rebondissement, et ce sans jamais quitter la pièce ! Non mais vous vous rendez-compte de l'exploit que ça représente ? Je ne crois pas qu'un autre Huit-Clos aie réussi à atteindre ce pic suggestif.

Créativité : Tu fais bien de relever ça, Imagination, parce que c'est ce que j'ai adoré aussi. Ce parallèle entre deux histoires : celle des jurés et de la vie qu'ils ont entre les mains, et tout l'enjeu que ça représente ; et celle du thriller qu'on perçoit à travers eux, et qu'on finit par voir aussi concrètement qu'eux.

Conscience : J'ai aimé le personnage qu'incarne Fonda. C'est par acquis de moi qu'il refuse de voter coupable, seul contre tous. Il ne dit pas que le garçon est effectivement coupable, juste que ça mérite réflexion, allant à l'encontre de l'indifférence égoïste que subit habituellement notre société.

Il est intéressant de voir, au fil du débat, les personnages s'auto contredire dans leurs discours, et se rendre compte à quel point leurs postulats de départ sont superficiels et infondés. Tous croient avoir raison, mais réalisent petit à petit qu'ils n'ont pas de réels arguments, et qu'ils n'ont pas honnêtement creusé la question comme ils se devaient de le faire.
Chacun va alors plus ou moins m'écouter. Une partie va reconnaître son manque de profondeur, l'autre va s'enfoncer dans la mauvaise foi et la Fierté.

Fierté : Non mais dis donc !

Conscience : C'est terrible, car ça ne signifie pas qu'il ait raison. Le gamin peut-être coupable ou non. S'il arrive à faire changer les autres hommes d'avis, ce n'est pas une victoire. Le gamin a pu tuer ou ne pas tuer la victime, et l'innocenter peut-être une erreur au même titre que de le condamner à mort.

Remarquons que le gamin est accusé d'avoir tué son père. Psychologiquement, cela peut représenter le meurtre symbolique du père. En effet, la plupart des douze hommes campent sur leurs positions, non pas par raisonnement, mais en découlement de ce que la vie leur a appris.
L'homme, qu'il le veuille ou non, reproduit les caractéristiques paternelles. À lui de s'en affranchir et de penser par lui même , ou au contraire devenir comme lui.

Par le meurtre éventuel de son père, le gamin représente cette fracture filiale, avec laquelle les hommes n'ont pas fini de se débattre ; notamment l'un d'eux, qui sous ses airs de dur à cuire, cache une immense peine vis à vis de son fils.

Ainsi, en montrant l'humain et ses failles, le film engage une remise en question du système judiciaire. Également, comme l'a affirmé Humanisme, une réflexion plus amplement portée sur l'humanité dans son fonctionnement sociétal.

Raison : Wouaw ! Eh bien, quelqu'un a quelque chose à rajouter ?

Féminisme (offusqué): Il n'y a pas de femmes ! Test de Bechdel : zéro !

Raison : Je reformule ma question : quelqu'un a-t-il quelque chose d'intelligent à rajouter ?

Humour : J'ai trouvé Humour de Lumet très subtil dans ce film. J'aimerais bien être aussi fin. Il faut que je fasse un régime.

Raison : Ne dis pas ça, voyons... Tu es très drôle, à tes heures !

Humour : Je crois que Raison... Ment ! (il pouffe) Vous saisissez ? Raison-ment ! Raisonnement ! Non ? Non ? Personne ? Vraiment ? Quand-même, les amis...

Sarcasme : Effectivement, tu es très drôle.

Humour : Merci Sarcasme, enfin un qui reconnaît mon tal... Oh, wait.

Raison : Puisque les délibérations semblent toucher à leur fin, je donne le verdict.

Folie : Comment elle la ramène! Il est temps d'en finir, vous avez tous parlé plus que d'elle.

Raison : Verdict : Un film humain, très porté sur la psychologie, qui parvient toutefois à offrir un divertissement de haute volée. Une double histoire, entre ce qui se déroule dans la pièce et le meurtre dont il est question en narration suggérée.
Sans détours ni fioritures, Lumet délivre une œuvre d'une rare intensité. Le scénario est très riche, la réalisation soignée. Enrobant et exploitant son art au maximum, il parvient à rendre le tout synoptique et émouvant à la fois.

Matière à la réflexion comme à l'amusement, chacun pourra y trouver son compte.

Motivation : Bon, maintenant qu'on a bien délibérés, on l'écrit, cette critique ?

Flemme : Non.

Créativité : Ah si !

Flemme : Eh ben non.

Inspiration : Mais je suis à fond moi ! À bloc ! Chaud patate !

Motivation : YEAH !

Flemme : C'est bien, content pour vous. Mais on ne l'écrira pas.

Raison : Et de quel droit...

Flemme : Chut !

Motivation : Oh, et puis zut. Je vais me coucher.

Enthousiasme : Mais non ! Reste ! Reste...

Pragmatisme : Elle est partie.

Raison : Oh non! Tout ça pour rien ! Ça nous la prend. Créativité ! Inspiration !

Inspiration et Créativité : Oui ?

Raison : Je vous connais vous deux, toujours fourrées ensemble. Vous n'avez pas intérêt à faire un RMM de tout ça, ok ? C'est trop n'importe quoi !

Créativité (d'un ton innocent) : Bien sûr que non, patronne !

Inspiration (sifflotant, complice) : Ce n'est pas notre genre, voyons !

Lassitude : Tout ça pour dire que ce film, ça montre plusieurs personnalités en conflit, chacune défendant son intérêt personnel, quoi.

Ironie : Ça ne vous rappelle pas quelque chose ?

Lassitude : Soupir... »


Et voilà ladies & gentleman, vous avez de nouveau été immergés dans mes pensées. En me relisant, je constate un fait troublant : les facettes de personnalité –celles qui donnent vraiment leur avis- sont douze. Je me surprendrais toujours.

N'hésitez pas à m'insulter pour ne pas avoir écrit la critique, parce que vous êtes jaloux de mon génie, parce que je me prends pour un génie, parce que je suis un fainéant, parce que c'est trop long et que vous avez eu la flemme de tout lire, parce que vous n'aimez pas le film (la blague), ou parce que votre père vous a dit de le faire.

Je vous aime, sans jugement.

http://www.senscritique.com/liste/Read_My_Mind/599485

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le 14 mars 2015

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Veather

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