En rouge et noir, je sucerai ton sang.
En grand fan d'Anne Rice je cherchais un bon film de vampires et comme c'est pas facile je me suis dit: "Tiens je vais me refaire le Dracula de Coppola !". J'avais un souvenir confus d'un truc baroque mais pas super effrayant avec pas mal de scènes de fesses (oui je devais avoir 12-13 ans) et il est généralement considéré comme un classique donc je me disais qu'un second visionnage m'en révélerait les subtilités. Et finalement c'est toujours un truc baroque mais pas super effrayant avec pas mal de scènes de fesses. Comme quoi on est pas si bête à 12 ans !
Coppola semble s'être un peu perdu entre ses ambitions. Pour se démarquer du Dracula "cape noire et dents longues" il grime Oldman en improbable grand-mère gothique à bigoudis (version vieillard) ou en dandy rock'n roll (version jeune homme) assez ridicules. Ca ne l’empêche d'ailleurs pas de se vautrer dans la tarte à la crème vampirique à base de jeux d'ombres lourdingues, de doigts crochus et de portes qui se ferment toutes seules. La scène d'arrivée au château pourrait quasiment passer pour une parodie tellement elle est chargée !
On sent une louable volonté de fidélité au roman mais cela se traduit par une multitudes de références, de voix off épistolaires et de personnages peu utiles. La narration n'en est que plus confuse et la temporalité assez mal gérée. Tout semble précipité, voir survolé. L'esthétique romantique et grandiloquente du film pâti de cette frénésie, d'autant que Coppola prend rarement la peine d'installer ses plans dans la durée. Au contraire, il multiplie les angles de caméra et les insertions de micro-scènes choc ou de bruitages inquiétants. L'ensemble manque de relief, à force de marteler une ambiance fantasmagorique on obtient presque l'effet inverse et on a du mal à ressentir un quelconque mystère. Il reste quelques belles scènes qui arrivent à illuminer le film. J'ai notamment beaucoup aimé le retour de Lucie, devenue vampire, à son tombeau.
Malgré cette débauche d'effets et les couches de maquillage, Gary Oldman parvient tout de même à livré une belle interprétation et campe un Dracula puissant et torturé. La sublime Winona est parfaite et son union vénéneuse avec le maître des ténèbres sauve le film. A l'opposé, Keanu Reeves ne sert à rien (on espère vainement qu'un coup de fil le renvoie dans la matrice) et Saddie Frost a besoin de montrer ses seins pour susciter de l'intérêt. Rien de surprenant... Par contre de vrais acteurs comme Anthony Hopkins et Tom Waits sont obligés de surjouer pour donner un peu de corps aux personnages secondaires. A leur décharge, Coppola ne leur offre pas beaucoup de place pour exister et c'est dommage parce qu'il y a pourtant de la matière à exploiter.
Ce qui m'a le plus énervé c'est les petits détails érotiques placés tout le long du film, au cas où on ne comprendrait pas la métaphore sexuelle du vampire par nous-même. Comme si les nombreuses scènes de lit, pourtant assez limpides il me semble, ne suffisaient pas. Alors on rajoute par ci, par là une petite référence au kama-sutra ou un baiser lesbien sous la pluie. C'est bon on a compris, le sang c'est la vie, Eros et Thanatos, tout ça...
Au final un sacré ratage par rapport à ce que j'en espérais mais pas un naufrage complet. Du coup je vais me faire Nosferatu de Murnau au ciné...