Just the facts

Dragnet s'ouvre sur une succession de plans de Los Angeles commentés en voix off sur un ton monocorde et sérieux, du genre Je m'appelle Joe Friday, je suis flic, c'est ici que je m'efforce de faire mon devoir du mieux que je peux, chaque jour que Dieu fait... Ainsi, Joe Friday affiche d'emblée sa conception désuette du bien et du mal, son application de la loi pour combattre le vice et la corruption, rassurant ainsi le public de sa bonne foi de crétin.
Le film est carrément inspiré d'une série policière très populaire des années 50, Dragnet ou Badge 714, ancêtre des séries policières qui a forgé de nombreux codes et règles qu'on trouvera dans des séries ultérieures comme Les Incorruptibles, Sur la piste du crime, Hawaï police d'Etat etc... qui montraient des flics hyper sérieux et qui se concentraient sur les enquêtes ; pas de psychologie et de vie privée qui s'immiscait dans les intrigues comme c'est le cas depuis les Rues de San Francisco qui a changé radicalement le ton des séries policières US.
Série créée par Jack Webb, qui incarnait aussi le flic Joe Friday, elle s'inspirait d'enquêtes policières vécues et adoptait un ton "pris sur le vif", tout y était très sérieux ; pendant près de 20 ans, entre 1951 et 1970, Webb décortiquera 9400 cas de faits divers au cours de 375 épisodes de 25 mn, et se présentera toujours de la même façon en clamant son nom et son numéro de badge, de même que sa phrase fétiche sera Les faits, seulement les faits. Il sera vite rejoint par Harry Morgan dans le rôle du sergent Bill Gannon. En France, on est toujours à la traine, on n'aura cette série qu'en 1989 sur Canal +, d'où le fait qu'elle est peu connue du public français.
Tom Mankiewicz décide de prendre le contre-pied de ce modèle de rectitude, en traitant l'intrigue sur le ton de la comédie, mais en conservant le personnage de Joe Friday, flic rigide, anachronique et con par son attitude obsolète. Il le catapulte en 1987 dans un Los Angeles vu comme la ville du pêché, remplie de tarés. Le mélange est assez détonant, le scénario écrit par Dan Aykroyd n'est guère élaboré, il envoie Friday et son adjoint joué par un tout jeune Tom Hanks pas encore vedette, à la poursuite d'une secte étrange, servant une gentille satire qui tire sur quelques tares US (l'extrême droite américaine, l'hypocrisie des hommes d'église, l'empire du sexe, les punks, les flics brutaux, l'utilisation de substances illicites etc), et poussant parfois la parodie un peu loin.
Mais le réalisateur ne force pas assez le trait, c'est dommage, ce n'était peut-être pas son but, préférant exploiter l'idée-gag d'un flic anachronique et moral que Dan Aykroyd excelle à jouer, avec cependant quelques moments de rigolade et de situations gaguesques, dont la scène où Aykroyd et Hanks s'introduisent dans la villa luxueuse du roi d'un magazine érotique joué par un Dabney Coleman hilarant et qui n'est autre qu'une parodie de Hugh Hefner et du magazine Playboy. Un film amusant, dont les gags ne fonctionnent pas toujours, mais à l'ambiance très drôle, où l'on trouve d'autres bons acteurs comme Christopher Plummer ou Alexandra Paul, et joli clin d'oeil, Harry Morgan y reprend son rôle de Bill Gannon, avec quelques rides en plus, mais devenu capitaine.