Un film DBZ sans baston, c'est pas folichon
Pour pouvoir parler de « Dragon Ball Z : Battle of Gods », il faut d’abord comprendre les difficultés de s’attaquer à la franchise de Toriyama. Nul doute que malgré toutes les extensions existantes de l’univers de Dragon Ball, le credo de ses adeptes se constitue bel et bien des 42 tomes de l’œuvre originale. Or, l’univers du manga s’est toujours étendu en parallèle par le biais des fameux OAV, ces longs métrages d’animations qui sortaient directement en VHS dont le nombre s’élève maintenant à plus de 15 et qui introduisaient de nouveaux méchants dans la franchise. Si ces OAV ont toujours été majoritairement acceptés par les fans, c’est parce que leur histoire n’empiétait pas sur le manga original, malgré quelques incohérences chronologiques : un méchant surpuissant apparaissait, et aux termes de nombreux efforts, nos héros parvenaient à le détruire, sauvant la Terre une fois de plus. Si je parlais de crédo, ce n’est pas par hasard : toucher une pierre de l’édifice Dragon Ball est une chose à faire avec une précaution extrême : c’est ce qui a valu à la série Dragon Ball GT, censée se produire après la fin du manga, d’être tant décriée par les fans.
Revenons donc à notre sujet : « Battle of Gods » est le premier OAV majeur que l’on offre aux fans de la franchise après une longue période de silence, le dernier remontant à 1995 avec « L’Attaque du Dragon ». Sorti le 30 Mars 2013 au Japon, il est réalisé par Masahiro Hosoda, qui avait travaillé sur un certains nombres d’épisode de l’anime et …ho ho ! Pour la première fois, Akira Toriyama est impliqué dans l’écriture du scénario ! Avec au programme un nouvel antagoniste surpuissant, une nouvelle transformation pour Sangoku, et la patte du père de Dragon Ball, le film promettait d’ores et déjà de faire renaître la passion des fans. Ce qui … n’a pas réellement eu lieu. En effet, le film a eu un impact très mitigé sur la communauté Dragon Ball. Et c’est là que nous revenons aux éléments que j’ai expliqué plus haut : pour toucher à Dragon Ball il faut s’y prendre avec autant de précaution que si on jouait une partie de Jenga. Or, cet OAV est probablement le seul qui ait pris autant d’audace vis-à-vis de la franchise : sa structure et son dénouement étant totalement inattendus par rapport à ce qu’on l’on penserait trouver dans un OAV Dragon Ball Z.
Voilà comment se présente le film : alors que la Terre était en paix, Bills, le dieu de la destruction, se réveille après une longue période de sommeil. Il raconte avoir fait un rêve où il combattait un adversaire surpuissant : un Super Saiyan God. Il part donc pour la Terre, où se trouve les 5 derniers Saiyans en vie, dans le but de l’affronter. Nos héros devront donc se mesurer à Bills pour prouver leur valeur et l’empêcher de détruire la Terre.
Le premier guerrier que Bills rencontre est Sangoku, qui se fera immédiatement mettre au tapis. Et là arrive directement le premier problème du film : quand le plus puissant des héros de la série se fait laminer au bout de 5 minutes de film, on comprend directement que le dosage de la puissance de l’antagoniste a été exagéré. Et en conséquence, on est parfaitement conscient qu’aucun autre héros de la série ( c’est-à-dire ni Végéta, ni Sangohan, ni Piccolo, ni Trunks, ni Sangoten) ne pourront faire quoi que ce soit contre lui. Au lieu de monter graduellement la puissance du méchant et de donner à nos héros une chance de nous montrer un combat à armes égales, le film préfère les utiliser comme punching-ball. Mais encore faut-il pouvoir parler de combat, car voici venu le défaut majeur numéro 2 du film : il n’y a presque pas de combat. Pensez-y, nous sommes dans un film Dragon Ball, la série du combat par excellence : vitesse de la lumière, combattants qui volent dans les airs, rayons d’énergie capables de détruire des planètes entières. Une partie de l’âme de Dragon Ball est constitué de poudre aux yeux, le public regarde pour se remplir les yeux de ces héros aux pouvoirs surhumains. Mais, sur la totalité du film, on a le droit qu’à 15 ou 20 minutes de combat. Sur 1h20, ça fait peu ! Le film semble bien plus miser sur l’humour et l’absurde de la situation : en effet, avant de dévoiler sa nature, Bills s’installe au milieu de nos héros, en plein milieu d’une fête d’anniversaire, et se met à rire et à célébrer avec eux. Il est censé être un Dieu, mais se révèle plutôt être une espèce de gamin capricieux. Cette présence de l’humour du ridicule et du décalé fait de cet OAV un bien meilleur écho de Dragon Ball ( la période enfantine de l’histoire de Sangoku) que de Dragon Ball Z. Mais la plus grande audace de Toriyama c’est la fin :
Attention, Zone Spoiler
Contrairement à tous les autres OAV qui se concluent sur la mort du méchant, Sangoku ne gagne pas ! Lui qui d’habitude se surpasse jusqu’à la défaite finale de l’adversaire, se retrouve vaincu par Bills, qui l’épargne, lui et la Terre, parce que Sangoku a admis sa défaite. Avant de partir, Bills révèle qu’il existe une multitude d’autres dieux et qu’ils sont bien plus puissant que lui. Ce dénouement offre une toute nouvelle perspective à la considération que l’on a des guerriers Z : la modestie. Ceux que l’on pensait être le top du top de l’univers se révèlent en fait être totalement impuissants face aux Dieux. On prône ici un angle différent de l’adage « on trouve toujours plus fort que soi ». Dans le manga, ce principe n’empêche pas la victoire des héros. Cet OAV est le premier qui a le cran de se clore sur une défaite des gentils, donnant au spectateur un sévère goût d’amertume. Si amer que l’on se demanderait même si le film n’est pas une ouverture vers un tout nouvel arc de l’histoire de Dragon Ball. On comprend pourquoi cet aspect peut déplaire : le mythe du Sangoku invincible et toujours vainqueur est fortement mis à mal, ce qui est dur à accepter pour tout puriste de la série.
Fin de la zone spoiler
Au final, est-ce que Battle of Gods est un bon film Dragon Ball Z ? Et bien voilà tout le problème : l’audace du message que véhicule le film se fait au détriment de tout ce que l’on aime dans Dragon Ball Z. Trop peu de combats, des héros totalement ridiculisés, des choix de scénario à faire hurler les puristes (Comment peut-on encore rajouter des dieux supplémentaires à la mythologie de Dragon Ball ? Comment peut-on faire une scène où Végéta chante ? Pourquoi Sangoku doit-il donner la main à ses amis pour se transformer en Dieu ? Pourquoi cette transformation a-t-elle une apparence aussi peu inspirée ?). Pourtant le résultat aurait pu très bien marcher si la progression avait été mieux dosée, mais on passe les trois quarts du film à se demander quand est-ce que le récit va enfin passer aux choses sérieuses, et quoi que certains puissent en dire, on ne construit pas un bon film uniquement sur un twist final. Je pense que si les quelques efforts d’originalités auront le mérite de séduire certains fans, les autres se contenteront tout simplement de fermer les yeux sur cet épisode de leur franchise bien aimée qui n’a pas joué le jeu du fan-service autant qu’il aurait dû.