When I drive myself my light is found.

Nicolas Winding Refn, c'est le bonhomme qui a l'art de servir de la violence tout en conservant un certain aspect poétique qui n'est pas sans rappeler Stanley Kubrick et son Orange Mécanique ou encore Kinji Fukasaku et son Battle Royale.
Comme pour se faire pardonner après un Valhalla Rising qui avait douloureusement déçu ses fans, surtout après l'excellente saga Pusher puis le sublime Bronson (avec Tom Hardy), Nicolas nous plonge dès les premières minutes dans une scène de braquage à la mise en scène palpitante, stressante, calculée au millimètre prêt, profitant de l'occasion pour donner une leçon au Transporteur. Puis le rythme devient lancinant, froid, un peu à l'image de son personnage principal (Ryan Gosling), stoïque, mono-expressif, au point qu'il parait être un personnage de jeu vidéo un peu figé, ceci étant renforcé par ses fringues qui ne changent pas durant tout le film (blouson inoubliable et blues jeans), nous renvoyant 10 ans en arrière en plein Shenmue et ses visages de poupées. Refn la joue fine, et s'il impose ce climat particulier, c'est pour toujours mieux nous surprendre, les scènes d'action tombant constamment de façon inopinée, et plutôt que nous noyer sous un déluge de courses-poursuites et gunfights décérébrés, il se concentre à nous servir un nombre limité de scènes du genre, mais toujours à la qualité poussée et parfois d'une violence extrême, afin d'être sûr qu'elles restent gravées dans nos mémoires, ad vitam æternam. Comment ne pas être subjugué par Gosling, le visage ensanglanté, reculant au ralenti au détour d'un mur, avant de disparaître totalement ? Comment oublier la poésie de cette scène d'ascenseur, où l'assassin est occulté par l'éclairage afin de laisser Gosling offrir un dernier (?) baiser à celle qu'il aime ? Et comment oublier cette façon stupéfiante qu'a Refn de gérer les lumières, remplissant son oeuvre d'une aura jaune/orangée sans recourir aux filtres dégueux que tous les pseudo-réalisateurs s'amusent à user à tort et à travers sans la moindre pertinence ?

Bref, Drive est probablement le chef d'oeuvre de Refn, et sans aucun doute l'un des meilleurs longs métrages de 2011. L'histoire en elle-même, pas forcément originale, prouve que l'on peut servir un produit fini qui en a dans le pantalon et dans la tête, et surtout maintenir une tension, le final n'étant pas forcément prévisible, ce sur quoi jouera beaucoup Refn, jusque durant ses dernières secondes. Il sera également bon de comprendre que Drive n'est pas uniquement un thriller/polar, mais aussi une subtile histoire d'amour, loin des clichés habituels, et s'immisçant discrètement afin de ne pas faire fuir ceux qui y sont allergiques.
Habitude qui ne change pas chez le réalisateur, nous servir des tracklists ironiques sortant complètement du propos. On se rappelait de celle de Bronson, alternant entre electro-pop et classique, et celle-ci suit cette continuité, avec la présence de Kavinsky/Lovefoxxx, Desire et College, soutenus par la score de Cliff Martinez, venant appuyer encore un peu plus l'aspect grandiose de cette fresque.
Rien ne serait parfait s'il n'y avait pas un casting de haute volée pour épauler Gosling, et en cela tout le monde vient contrebalancer son stoïcisme. Carey Mulligan, réelle beauté tout en ne payant pas de mine, vient nous rappeler l'aspect personne réelle que servait une autre blonde, Michelle Williams, dans Blue Valentine. Puis il y a Bryan Cranston, comme toujours étonnant, et qui ajoute à sa filmographie une nouvelle production (en plus de Breaking Bad et Contagion) faisant oublier son personnage dans Malcolm. Et enfin, Ron Perlman, curieux juif au commande d'une mafia, balançant toutes ses répliques dans les hurlements, et incarnant la force brute, à l'opposée de son adversaire, Gosling, la force calme.
Il reste dommage que la distribution ait totalement dénaturé l'esthétique qu'avait choisi Refn pour son affiche. Comme il le disait lui-même, les polices scryptées (façon manuscrites) sont intemporelles, et c'est ce qu'il voulait pour le titre de son film, qui aura été remplacé par quelque chose de basique, avec une rayure façon gordini, lui donnant des airs de Fast and Furious, histoire d'assurer l'aspect bankable. Heureusement, génériques de début et de fin n'auront pas été amputés de cette brillante idée d'esthète.
Pour conclure, si c'est davantage l'aspect thriller, la mise en scène, et les accès inattendus d'ultra-violence qui vous bottent, Drive sera sans conteste la pellicule à dévorer et décortiquer encore et encore. A l'inverse, si vous aimez que ça vrombisse continuellement, rabattez-vous sur Fast and Furious 5, qui comblera bien plus vos attentes.
Mention spéciale pour Ryan Gosling, grande révélation de cette année 2011. On l' a adoré dans Blue Valentine, il a étonné dans Les marches du pouvoir, il a fait craquer les filles dans Crazy, Stupid, Love. En somme il est l'actuelle star Hollywoodienne capable de passer du coq à l'âne en un claquement de doigts, ce qui est un véritable tour de force, surtout dans une même année. Qui aurait cru il y a quelques années que Hercules serait un jour nominé aux Oscars ? Comme quoi, débuter dans une série pourrie n'empêche pas d'avoir un glorieux avenir.
SlashersHouse
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le 12 févr. 2012

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