Cinématographiquement parlant, l'année 2011 fut l'une des plus pauvres depuis longtemps. Il aura fallu attendre le mois de septembre (en Belgique) pour voir enfin un film qui méritait le déplacement. Et c'est le génial cinéaste danois Nicolas Winding Refn qui nous l'offre, avec son premier film de commande, sobrement intitulé Drive.
Ce n'est pas parce que c'est un film de commande qu'il ne faut pas y voir la patte de Refn. Que ce soit au niveau du scénario que de la mise en scène, on retrouve tout ce qui a fait le succès d'un cinéaste avec Pusher et Bronson et le plus controversé Valhalla Rising. J'insiste toutefois pour signaler que ce dernier est, avec Drive, un chef-d'oeuvre.
Dans Drive, on suit un type assez silencieux. Il n'a pas de nom. Juste parfois un surnom, "Kid", donné par son patron. L'homme est un conducteur à temps partiel sur des plateaux de tournage, où il joue des cascades. Il bosse dans un garage l'autre partie de son temps. Le soir, il aide des types qui font des casses à s'en tirer. Comme dans Valhalla Rising, le personnage est très silencieux et une relation étroite va lier le héros à un enfant.
Ce type est un personnage sans passé et ni avenir. Il vit l'instant présent. C'est un gars à la recherche d'une famille et d'une volonté de se poser. La relation qu'il va entretenir avec Irene et Benicio n'en sont que la preuve. L'amour, la volonté d'éduquer un enfant et de jouer le rôle de père l'attirent. Mais le côté sombre du personnage et de sa vie ne sont pas loin. Les thèmes de Refn sont bien présents, comme dans Valhalla Rising. Ils sont les mêmes, mais racontés de manière différente. Le conducteur est un homme de passage, mettant de côté ses envies, son futur et sa vie pour que Irene et son enfant puissent vivre en paix. Il y a un don de soi et une générosité remarquable dans le personnage joué par Ryan Gosling.
Refn est également un cinéaste fasciné par la violence. Ses films contiennent souvent des passages crus et Bronson était même une oeuvre considérée comme "Kubrickienne", car évoquant la violence dans la société. Une nouvelle fois présente dans Drive, elle demeure cependant très furtive et ne dégoûte jamais. Tout est en distanciation (sans atteindre toutefois le génie de Kubrick et de Orange mécanique). Mais le but de Refn n'est pas là. Depuis deux films, on sent des personnages et des thèmes évoquant une envie de dépasser sa propre condition humaine pour quelque chose qui en vaille la peine, pour que quelqu'un puisse avoir un avenir. Mais l'environnement est violent et le danger partout. Pour le "Driver", il semble être un personnage à la fois présent et absent. Présent par son physique, ses gestes et le fait qu'il connaisse la ville comme sa poche. Absent car silencieux et parfois donnant l'impression d'être ailleurs, de ne pas faire partie du même monde que les autres hommes. La relation qu'il entretient avec Benicio, l'enfant d'Irene, est pour cela très intéressante, car le chauffeur semble devenir quelqu'un de totalement pacifique, avec un sourire réconfortant. Les moments que le "Driver" passe avec la famille sonnent comme un petit coin de paradis, le sommet étant atteint lorsqu'ils s'isolent au bord d'une rivière, sur un couchant de soleil et donnant vraiment l'impression d'une sérénité remarquable pour ces trois personnages. Ad contrario, lorsque le mari revient après sa sortie de prison, c'est donc tout qui s'effondre d'une certaine manière. Mais le chauffeur va dépasser cela et estimant que seul compte le bonheur de la petite famille, il va simplement continuer à vivre.
Bref, l'oeuvre est très intéressante sur le fond et mérite sans aucun doute qu'on s'y attarde plusieurs fois. D'autant que l'histoire est remarquablement bien construite et que le casse, les raisons de la trahison s'emboitent parfaitement et de manière logique.
Le film a reçu à Cannes le prix de la mise en scène. Une récompense totalement justifiée tant le cinéaste maitrise parfaitement son bébé. Une oeuvre alternant plans-séquence, scènes au ralentis ou au contraire montage clipesque. De plus les séquences de voiture sont tout simplement remarquables et tendues. La photographie est tout simplement superbe.
Côté casting, on notera que le cinéaste a pu compter sur la fameuse gueule de Ron Perlman, excellent, et sur des acteurs talentueux comme Bryan Cranston, Oscaar Isaac et Carey Mulligan. Mais c'est évidemment Ryan Gosling qui fait figure de véritable révélation, 2011 étant son année cinéma. L'homme est charismatique à souhait et son visage offrant toujours les mêmes expressions colle parfaitement au personnage.
Drive est un film de bagnole. En sortant de là, on a qu'une envie: prendre sa caisse, se mettre silencieusement au volant et rouler au hasard des rues en écoutant du Kavinski.

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le 11 mai 2012

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batman1985

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