Le Driver mène une double-vie : il est mécanicien et cascadeur le jour, et chauffeur de quelques minutes pour des criminels à ses heures perdues la nuit. Il semble constamment détaché de tout ce qu'il fait... jusqu'à l'arrivée d'Irène et de son fils Benicio dans sa vie. Les trois personnages nouent une relation tacite d'autant plus forte qu'ils ne mettent jamais de mots sur leur affection : tout se lit dans leurs corps, et c'est ce qui la rend aussi évidente et poignante. Le chauffeur endosse alors le rôle paradoxal d'ange gardien, à la fois doux et capable d'une violence extrême et même de destruction pour protéger ceux qu'il aime. Cette ambivalence est prégnante dans la scène de l'ascenseur, lorsque le chauffeur écrase la tête du tueur avec son pied après avoir embrassé Irène très tendrement. L'ange gardien devient ange exterminateur maudit par le regard apeuré de la jeune femme, qui le renvoie à ce qu'il cherche à repousser et à fuir : la mort. Ryan Gosling livre une interprétation magnétique de ce personnage à l'ampleur presque divine.
Finalement, le film peut-être résumé en un mot : le cheminement, qui évoque la fuite en avant des traversées nocturnes en voiture qu'accompagne la bande originale immersive à merveille, mais aussi la fuite en arrière constante de la mort puis la descente avec sang-froid - titre du film en français - du chauffeur vers un destin immuable.