Nicolas Winding Refn, réalisateur de films singuliers? Assurément. Quiconque a vu Pusher, Bronson, ou Valhalla Rising l'a compris. Chacun de ses films comporte un personnage hors normes et un univers atypique, sans pour autant être coupés de la réalité. Nous voici ici flanqué d'un homme sans nom, employé de garage et cascadeur le jour, et chauffeur pour braqueur la nuit. Un type ambigu, me direz-vous? Et vous auriez raison.
Sous ses airs d'ombre peu loquace se cache un vrai mercenaire de la route et quelque peu violent sur les bords. La présentation du personnage est un modèle du genre: l'introduction suffit amplement. En parfaite adéquation avec lui: une économie de mots et de moyens. Juste le regard et la route. Oui, il est assez évident que l'un et l'autre sont lié, d'une certaine façon. Comme si l'inconnu ne pouvait se passer de la route. Mais voilà que sa charmante voisine, qui ne le laisse pas indifférent, se retrouve menacée, elle et son fils, par des "amis" de son mari, qui réclament leur dû. Le chauffeur décide, dans un élan d'altruisme et de romantisme, de mettre fin au contentieux.
Il ne vous rappelle pas quelqu'un, ce mystérieux chauffeur? Quasi muet, minéral, intense, mystérieux...presque un héros à la Leone. Vous voyez maintenant? Oui, Ryan Gosling nous compose un héros qui ressemble à s'y méprendre à l'Homme sans nom, visible dans la trilogie des Dollars de Leone. Lui aussi n'a pas d'origine, pas de passé, pas de blessures, pas d'attaches apparentes. Lui aussi est capable de passer du regard le plus intense et le plus beau à une sauvagerie peu commune (scène de l'ascenseur, implacable). Gosling réussit le tour de force de nous faire nous attacher à son personnage inconnu, en une somme de regards. Winding Refn compense le faible budget par son sens du montage (ralentis, vues aériennes, lisibilité lors des courses-poursuite). Ajoutons la musique, faisant littéralement corps avec les images.
On peut cependant tiquer devant le scénario simpliste qui nous ramène à un mix entre Collateral, pour les ambiances de nuits, et Et pour quelques dollars de plus (Sergio Leone), pour le personnage et l'histoire dans les grandes lignes. Un mélange détonnant, certes, mais qui donne l'impression qu'il n'y avait pas non plus de quoi s'extasier autant.