Depuis sa sortie, je les ai vus, ces yeux pétillants, ces joues rosies par l'émotion, "Drive" disaient-ils, "Tu dois voir Drive".
J'ai vu Drive, trois ans après tout le monde. Trois années de candeur à répondre non, je ne l'ai pas encore vu.
Je devais adorer, je devais le contempler, je voyais les lèvres frémir pour ne pas me dévoiler l'ampleur de l'émotion que je m'apprêtais à vivre, ignorant que j'étais.
Le dépucelage fut aussi long que lourdement insipide. Ryan "Animatronics" Gosling affublé de ses deux expressions faciales (néant / sourire), incarnant le rôle d'un cascadeur-bad-boy-gendre-idéal autiste dont les dialogues tiennent sur un post-it petit format, mène ce périple en passant par une farandole de clichés ; des mafieux italiens (qui possèdent une pizzeria), une girl next door blondinette toute mignonne mariée à un chicanos avec des problèmes de trésorerie grevée d'un taux d'intérêt exponentiel, du bokeh, des scènes de conduite de nuit, le canal de L.A. et une Ford Mustang.
Un scénario pauvre et bancal, qu'importe ! vous répondrons les hallucinés de Drive. C'est la contemplation qui importe, la "con-tem-pla-tion". Ce film est contemplatif, tu peux pas comprendre.
Alors d'accord, mettons un instant de côté le scénario, les clichés scénaristiques, la pesante inexistence des dialogues, contemplons...
... mais qu'y a-t-il à contempler ? Une esthétique neo-eighties très lisse, du sang et surtout, beaucoup de lenteur, mais pour quoi faire ? Rien n'est assez long pour vraiment contempler, aucune transition n'amène le suspens, seul l'ennui reste, à voir défiler une fausse nostalgie en carton pâte, aussi déplacée que vide de saveur et de substance.
Il n'y a dans ce film que des petits mafieux, de petites vies, une petite amourette (qui est la meilleure chose qui soit arrivée à ce pauvre garçon, dixit lui-même), de petits dialogues, un petit scénario et une faussement grande réalisation.
La photo ? Un mélange de Collateral et de Rubber, quelques relents de filtres Instagram, du bokeh. Ca partait bien pourtant, mais rien de neuf, rien d'exceptionnel de côté-ci, malgré les critiques en pâmoison devant tant de supposé bonheur visuel.
Je suis donc officiellement exclu de notre monde, car je fais maintenant parti de la honteuse minorité d'handicapés, incapable de comprendre le film de ma génération. Adieu, j'ai de bons films à contempler.