La stridence jouissive et haletante des drames communautaires auxquels Thomas Vinterberg nous avait confronté dans Festen et La Chasse auront su faire de Drunk un des films les plus attendus de cette année 2020. Une thématique piquante, une bande-annonce fun et une sélection à Cannes ; les souvenirs du style nordique incomparable nous font trépigner d'impatience. Et puis que dire de la présence inespérée d'un Mads Mikkelsen de retour au bercail et au meilleur de sa forme ! Alors que surgit l'année dernière un épisode dramatique dans la vie du réalisateur, qui perd sa fille de 19 ans dans un accident de voiture, ce dernier décide tant bien que mal de nous délivrer, sans trop décevoir mais sans non plus nous renverser, sa plus belle oeuvre depuis La Chasse.


Un professeur d'histoire fatigué n'arrive plus à trouver sa place parmi ses élèves et sa famille, qui ne cessent de lui marcher sur la tête. Si ses amis/collègues semblent être le dernier rempart à une dépression latente, ceux-ci ne trouvent toutefois comme meilleure solution que l'expérimentation d'une théorie douteuse selon laquelle tout humain naît carencé de 0,5g d'alcool de le sang. Sujet délicat donc, que Vinterberg cherchera à décliner sous plusieurs angles, n'hésitant pas à user d'un cynisme irritant, parfois à la limite de l'intelligible. En effet, l'ambiguïté éthique fonctionne plutôt bien durant la première partie du film, malmenant notre conscience de spectateur avec ironie et causticité. Mais la "blague" semble s'épuiser dans la dernière demi-heure et il devient de plus en plus difficile de déceler ce que le danois a voulu nous dire. Souffrant considérablement de radicalité, il semblerait que la force du film réside principalement dans la direction d'un casting d'une justesse déconcertante, dans lequel on retrouvera avec joie les habitués Thomas Bo Larsen et Lars Ranthe. Ainsi, la scène d'ouverture, nous confrontant violemment à une beuverie estudiantine puis l'interruption brutale par un générique austère, restera l'image la plus choquante du film... Si les personnages sont censés essuyer, chacun à leur façon, les conséquences humiliantes du verre de trop, Vinterberg, lui, se retient timidement.


Le grand Mikkelsen s'en sort très sobrement avec une égratignure alors que Thomas Bo Larsen se vaporise dignement dans une mer aussi froide que son enterrement.


Ainsi, la middle class aisée peut, elle aussi, perdre le contrôle et succomber aux excès d'un remède socialement accepté mais seuls les plus forts auront le droit d'en profiter sans être jugés ? Peut-être l'énigme nécessite un deuxième visionnage plus attentif pour y voir autre chose qu'une ode à la vie, faisant toutefois appel à la prudence.
Mais comment ne pas nous-même succomber aux lumières rasantes et aux intérieurs intimistes du danois ? Comment ne pas sourire face à un humour de situation, simple mais intelligent ? Et comment ne pas s'émouvoir devant un Mads Mikkelsen en poète maudit, affrontant avec fébrilité les joies du mariage ?


Drunk n'est pas le meilleur film de Vinterberg et il réussi difficilement là où ses deux prédécesseurs (Festen, La Chasse) avaient excellé, mais il parvient tout de même à nous dépeindre avec brillance de délicieuses scènes de vies devant lesquelles personne ne pourra contenir son empathie.

Salamanda
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le 26 déc. 2020

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