Pas évident d’aborder ce film. Initialement je l’avais classé dans ma liste de films au fort potentiel de déception. La bande annonce faisait la part belle au bourrinage de base et à une lecture caricaturale du conflit afghan. Le pitch a de quoi faire frémir lorsqu’on cherche un bon film de guerre : une équipe de SEALS doit aller flinguer un chef taliban. Patatra l’opération part en vrille et on se retrouve dans un survival estampillé « tiré d’une histoire vrai ».

Assurément, je savais où je mettais les pieds. L’intro à base d’entrainement, le patriotisme lancinant voire écrasant de ses gros sabots certaines séquences ou répliques, je m’attendais à les retrouver. Pour tout dire, cet aspect ne m’a pas dérangé ; demander à une troupe de commando de nous occulter sa préparation de fou, ses moments de cohésion de groupe et son discours ultra patriotique serait à peu près aussi intelligent que de reprocher à un film traitant du porno de parler de cul. Il faut aussi savoir ce qu’on va chercher et admettre que certains codes paraissent obligés. Alors oui ça peut être lourd, mais c’est cohérent. Ce qui l’est beaucoup moins, ce qui pousse cette séance vers le bas, c’est la technique, le script, le jeu.

« Bon là Marc – Walhberg NDLR – tu te prends ton troisième shoot de kalachnikov. Tu sautes dans le vide, ta tête heure un rocher, tu perds ta casquette, tu poursuis ta chute, ton dos se fracasse contre un tronc. Un taliban balance une roquette de RPG à 3 mètres, le souffle de l’explosion te vrille, tu as mal et là, tu te ressaisies, tu prends ton flingue et une bastos entre les deux yeux. »

Le parti pris de l’équipe de tournage, Peter Berg en tête, était de faire un film réaliste. Le montage est nerveux, les scènes d’action vraiment impressionnantes, on est au plus près du FPS. Le souci, c’est que rien n’est réaliste. Non, je n’ai jamais cru une seconde à ces John MacClane se prenant chacun 3 à 4 balles de 7.62 tout en étant capable d’aligner du Taliban sans autres soucis que du sang et quelques cris de rage. Non, je ne pense pas qu’un entraînement de fou puisse permettre à un corps humain de résister au choc d’un dos s’écrasant contre un rocher ou un tronc, à une tête de résister au choc répété de chutes vertigineuses. Qu’un mec puisse être au-dessus, pourquoi pas ; là, chacun des Seals paraît être quasiment surhumain. « Jamais hors de combat » disent-ils comme pour si le dialoguiste voulait justifier l’action. Oui, ben non. Un Restrepo, un Platoon, un 9è Escadron montrent à l’envie les dégâts causés par une simple balle de 7.62. La kalachnikov est une arme dévastatrice au regard du calibre 5.56 du M4. Les Talibans savent viser. Même à 3 mètres je les pense capable de loger une rafale en plein dans le mille. Là, ils touchent ici une main, une jambe (sans jamais visiblement toucher d’artère), là un pied mais jamais la moindre balle n’est létale. Il en faut 4 ou 5 là où le SEAL additionne les trophées. Assurément ce film a tout pour être ridicule et le gouvernement devrait envoyer des SEALS à Marseille pour régler la question des Kalachnikov ...

Mais c’est aussi là que tout bascule. L’écriture aborde des aspects bien plus fins ; les règles d’engagement des militaires soumis à la menace des médias. Doit-on ne pas tuer de civils au risque de compromettre son équipe et sa mission ? Le sens occidental d’une guerre « propre » a-t-il seulement du sens ? Une guerre n’est-elle pas de toute façon horrible ? Les Talibans sont montrés dans leur horreur, dans leur capacité à martyriser des populations civiles ; on évoque tout autant les ratés US qui expliquent qu’on veuille basculer dans une guerre plus propre et, mieux encore, on montre que la réalité afghane c’est aussi celle d’un conflit civil. Oui, des Afghans se battent contre des Talibans souvent étrangers avec les troupes occidentales.

Il y a donc une volonté louable de nuancer le propos, d’épaissir un peu la réflexion derrière un casting de beaux gosses, des actions commandos parfois ridicules. Ces Talibans finissent même par apprendre à viser et dessouder un hélico d’un superbe tir de RPG qui en dit long sur l’efficacité d’une débauche de moyens occidentale dans un pays aussi sous-développé et ancré dans une guerre devenue quasiment endémique.
Film d’action plus que de guerre, nettement en dessous des autres productions récentes sur ce conflit, Du sang et des larmes n’est pas toujours crédible mais impressionnant, n’est pas que manichéen même si les photos de fin sont assez dérangeantes et simplement destinées à nous tirer lourdement trois larmes. Au moins Restrepo ou Armadillo ont infiniment plus d’impact. Finalement le Forces spéciales (2011) de Stéphane Rybojad qui évoque peu ou prou la même chose est du même niveau et parvient même à être plus crédible. Le soldat français serait-il plus humain que le SEAL ?

Un film d’action guerrière de plus, efficace dans la forme à défaut d’être vraiment intelligent et approfondi. L’équipe semble n’avoir ni assumé le côté GI-Joe ni l’envie de montrer une réalité plus complexe.
Aqualudo

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