On ne s’en souvient pas forcément, mais Duel était un téléfilm au départ. Et c’est devenu le premier film majeur de Steven Spielberg. C’est pas un cinéaste auquel j’adhère à chaque fois, mais il y a quand même quelques œuvres où je lui reconnais du génie… alors un téléfilm qui a lancé sa carrière qui consiste en une poursuite pendant 1h30, ça m’intriguait.
Je l’ignorais, mais le scénario est écrit par Richard Matheson, ce qui n’est pas rien non plus.
L’histoire est toute bête, un conducteur veut doubler un camion qui le dérange par sa fumée, mais ce dernier ne se laisse pas faire, comme s’il voyait ça comme une provocation. Et c’est comme ça que naît un affrontement sans merci qui dure tout le film.
Le camion apparaît comme un monstre, une bête énorme dont la carrosserie sale et rouillée ressemble à une peau rugueuse, et qui crache sa fumée comme un dragon.
Le conducteur reste anonyme, jamais visible nettement, et ne se fait entendre que par des coups de klaxon tonitruants.
Le héros parle juste à lui-même en réaction à ce qui se passe, mais jamais les deux personnages ne se parlent, ou n’interagissent autrement qu’en étant chacun dans son véhicule. Et pourtant cette altercation banale fait virer le film dans le genre du thriller. Un thriller sur deux types en voiture.
On s’amuse au début des coups bas que fait le camionneur au héros, mais la tension monte, par la gradation du danger et un montage au rythme efficace.
Et pour un long-métrage, Matheson a réussi à faire varier suffisamment les situations.
Le concept est très simple, et pourtant Duel est étonnamment ambitieux pour un téléfilm. J’ai été impressionné par le danger qu’a nécessairement impliqué le tournage de nombreux plans.
Et puis simplement le fait que le film se déroule entièrement sur la route (déjà qu’il faut trouver les espaces appropriés pour tourner tout un film), ce qui implique de s’appuyer énormément sur la mise en scène pour éviter l’ennui. Les plans changent très souvent, les angles de caméra sont d’une variété assez impressionnante, il y a des choix de plans plutôt esthétiques, et surtout des mouvements de caméra audacieux, tandis que les véhicules sont en mouvement.
Duel est un film presque purement visuel, ou du moins qui aurait pu être ainsi. Au début, il y a la radio en fond sonore, diffusant une émission comique à laquelle le conducteur rit nerveusement après sa première rencontre avec le camionneur ; une façon de soulager la tension.
Mais je trouve que ça devient plus gênant plus tard lors de ces passages trop longs où l’on entend les réflexions du héros en voix-off. Alors que c’est comme la séquence de musée dans Pulsions : ça aurait très bien pu fonctionner sans, et le spectateur aurait pu se contenter d’interpréter ce qu’il voit sur le visage de l’acteur.
Ce que la voix-off du personnage apporte, c’est un déni plutôt absurde, "peut-être qu’il ne veut plus m’attaquer, qu’il est venu ici parce que c’est le seul restaurant à des kilomètres ?".
Alors le fait qu’il soit un homme civilisé confronté à un fou, qui veut résoudre le problème calmement, ça m’a un peu frustré même si c’est une réaction probablement réaliste. Le personnage principal est vulnérable parce qu’on vient d’essayer de le tuer.
Mais sa réaction par la suite est débile, il s’en prend à un type dans un restaurant, en ayant, sans raison valable, la certitude que c’est le camionneur, et va jusqu’à l’attaquer.
Duel aurait peut-être mieux fonctionné en restant tout à fait minimaliste, en limitant encore plus les paroles pour faire de ses deux personnages uniquement des entités qui s’affrontent. Parce que les quelques tentatives pour explorer les adversaires s’avèrent décevantes. Il y a ce moment où le camionneur aide le bus scolaire ; je comprends l’idée, faire de l’ennemi un personnage imprévisible, mais pour un type qui traque pendant des heures un homme qui l’a simplement dépassé, et qui joue avec ses nerfs de façon sadique, je trouve ça vraiment saugrenu.
Bon film malgré tout. Ca faisait trop longtemps.