Ce film est repris dans la liste des 100 pires films qui amusent pour les Razzie Awards. Peut-être que la production difficilie y est pour quelque chose, ou tout au moins l'ambitiion démesurée de David O. Selznick de faire un nouveau chef d'oeuvre à n'importe quel prix.
Au niveau formel, le film est magnifique. Il y a une telle gestion de la lumière et des couleurs, et ce grâce à la technicolor. Je pense que c'est le plus beau film que j'aie pu voir dans cette technique. L'aspect est un peu surréaliste (les dents blanches ont parfois l'air fluo, c'est fou) et confère ainsi au film une aura poétique. La musique rappelle els films Disney ; c'est touchant même si c'est un peu exagéré. Les acteurs sont très bons aussi. Gregory peck en salopard est un régal. Surtout qu'il parvient à plusieurs reprises à nous convaincre qu'il peut être sympa. Jennifer Jones est quant à elle magnifique en plus de se montrer radicale dans son rôle de lunatique.
Le scénario est certainement ce qui peut le plus décevoir. Ecrit avec une naïveté déconcertante, les dialogues pourront effectivement provoquer quelques sourires. Mais en même temps j'ai trouvé cet aspect positif. C'est naïf mais ça raconte tout de même une histoire assez glauque, celle d'une femme complètement perdue au point de tomber dans les bras du pire homme possible. C'est une histoire d'amour passionnée à laquelle nous assistons, du genre à la vie à la mort. L'héroïne plutôt que de passer pour une coquille vide m'a plutôt convaincu d'être une indécise qui ne parvient pas à trouver sa place. Une histoire tragique.
Sur la longueur on pourra reprocher les auteurs de ne pas avoir installé un objectif principal plus clair à suivre. Heureusement les déboires du couple parviennent à toujours happer l'attention du spectateur et servent de fil rouge tout au long de ces deux heures. Il est aussi amusant de constater que si l'on avait suivi le gentil frérot, nous aurions eu là un western un peu plus classique (en modifiant la fin) ; en restant dans le camp des méchants, les scénaristes offrent un spectacle audacieux et contrairement à ce qu'on aurait pu croire, un spectacle anti-manichéen. Oui ces personnages sont très méchants, mais en un sens, en les mettant sous les feux des projecteurs, on a l'impression de les comprendre.
Enfin, il y a cette dernière scène sur la colline. Cette scène est anormalement longue, jamais des retrouvailles n'auront pris autant de temps, même en rampant. Il y a de quoi agacer. Et en même temps, cette scène à elle seule résume tout le film, toute la passion entre ces deux personnages. L'homme, abbattu qui ordonne à la belle de venir à lui. Elle, désemparée, rampe jusqu'à lui avec bien des difficultés. C'est beau, c'est touchant. David O. Selznick souhaitait que ce film soit un projet artistique accompli supérieur à "Gone with the wind" ; je n'ai pas encore vu ce dernier film, mais au vu de la qualité esthétique et des choix facilement contestables mais pertinents, je suis d'acord pour dire que ce film est une réussite artistique.
Bref, Duel au soleil est une sacrée surprise. Le scénario manque parfois de structure et aurait gagné à avoir un objectif clair, mais le couple porte plutôt bien le film sur ses épaules, et puis surtout, malgré le chaos derrière la caméra, on peut se sentir satisfait d'un résultat esthétique.