A l'heure où je n'espérai plus la moindre surprise, la merveilleuse chaîne TCM vient m'offrir une belle grosse mandale en pleine poire, le genre tranquillou mais qui vous laisse une sacrée marque sur la joue.

Tourné sur la base d'un simple synopsis, avec uniquement deux comédiens devant la caméra, "Duel dans le Pacifique" pose déjà les bases du cinéma de John Boorman, s'attarde sur des thématiques développées plus tard dans des oeuvres comme "Delivrance", "Excalibur" ou encore "La forêt d'émeraude", pour ce qui s'avère à mes yeux un des plus beaux pamphlet anti-guerre jamais filmé.

Gigantesque huis-clos à ciel ouvert, "Duel dans le Pacifique" oppose deux cultures extrêmement différentes, deux visions du monde, confronte l'Empire du Soleil Levant à l'Ouest sauvage, le temps d'un duel psychologique où la tension atteindra son paroxysme lors d'un final sec comme un coup de trique, pourtant imposé par les producteurs.

Le choix d'un casting réunissant deux des plus grandes stars de leur pays respectif s'avère ainsi d'une folle pertinence, le stoïcisme et la rage contenue du samouraï répondant parfaitement à la nonchalance et à la force brute du cowboy. Inutile de préciser que Lee Marvin et Toshiro Mifune (recommandé à Boorman par Marvin lui-même) sont tous les deux prodigieux, monstres de charisme et de justesse, à l'implication exemplaire.

Mais alors que le conflit n'a plus lieux d'être, une fois passés le sens du devoir et la barrière de la langue et de la culture, que reste-il ? L'homme. Juste l'homme face à son voisin. Face à une solitude synonyme de mort lente. Face à son besoin vital de contact, d'échanges, de communication. De rire ou de se chicaner pour des broutilles. L'heure n'est plus à la destruction ni au conflit. Mais bien à l'entraide, avec un seul et unique but: la survie. Quelque soit la forme, la couleur ou la nationalité de cette porte de sortie.

Filmant la nature tel un personnage essentiel à son récit, avec tout le respect et la crainte qui lui ai dû, le tout dans un scope de toute beauté et porté par la bande son novatrice de Lalo Schiffrin, John Boorman livre ici son plus grand film, car peut-être le plus humble, le plus économe, le plus simplement parfait. J'ajouterais pour conclure, que cela ne m'étonnerai pas qu'un certain John McTiernan se soit inspiré de cette image forte d'un Lee Marvin boueux et réduit à l'état d'animal blessé, pour le final de son mythique "Predator".
Gand-Alf
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le 24 nov. 2014

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Gand-Alf

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