Le jeu de mot est facile, mais un peu d'indulgence, c'est ma première critique sur ce site alors je ne suis pas encore très inspiré pour trouver de bon titre. De l'inspiration, je crois que c'est également ce qui a manqué à David Lynch au moment de s'attaquer à un monument de la SF : Dune. J'ai lu le livre de Frank Herbert au cours de cet été. Ou plutôt, je l'ai dévoré. L'intrigue est prenante et l'univers passionnant. J'étais donc impatient de voir son adaptation, malgré les critiques que j'avais entendues à son sujet. Malheureusement, point de surprise. Les critiques sont bel et bien justifiées.


L'adaptation de Lynch, bien que fidèle à l'oeuvre originale (hormis quelques oublis, notamment le Jihad butlérien et le comte Fenring) se montre incapable de mettre en place un scénario captivant et ne développe à aucun moment l'univers si riche du livre. En même temps Dune, une colossale fresque politico-écolo-religieuse de 800 pages, ne saurait être résumée en un peu plus de 2 h 15. Je pense que l'intrigue doit être incompréhensible pour quelqu'un qui n'a pas préalablement lu le livre. Les noms défilent (Bene Gesserit, Kwisatz Haderach, C.H.O.M. ...) sans qu'aucun éclairage ne soit apporté au spectateur. Les actions se succèdent à la vitesse de la lumière, si bien que le film ressemble davantage à un résumé plutôt qu'à une histoire.


Par exemple, Paul rencontre Chani et trois minutes à peine après, il l'embrasse déjà, sans qu'il n'y ait eu un seul vrai dialogue entre eux.


Les dialogues d'ailleurs sont quasi-inexistants, remplacés par des personnages qu'on entend penser tout haut, ce qui donne un effet ridicule. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle le projet psychédélique de Jodorowsky prévoyait un long-métrage dépassant la dizaine d'heures. Le film de Lynch arrive à exposer les enjeux politiques entre les Grandes Maisons et l'intérêt économique de l'Epice, présentée comme l'Or noir du dixième millénaire. En revanche, la dimension mystique de l'Epice n'est évoquée que partiellement, tout comme l'ordre des Bene Gesserit. Les Fremen et leur mode de vie si particulier (les sietchs, leur récupération de l'eau des morts) n'est exploré à aucun moment. Leur utopie écologique de terraformation d'Arrakis n'est pas approfondie, alors que c'est un sujet très intéressant, d'autant plus que certains astronomes évoquent cette possibilité pour coloniser Mars. Les personnages secondaires ne sont pas travaillés (Feyd-Rautha, Kynes, Duncan Idaho...). Vladimir Harkonnen ressemble à un méchant débile alors que le baron est un fin manipulateur


et sa mort est ridicule.


Les retrouvailles de Paul et Gurney sont bâclées et n'apportent aucune émotion.


La liste est encore longue, mais je préfère m'arrêter là. J'ajouterai que les effets spéciaux ont sacrément mal vieilli (les batailles de boucliers... Mon Dieu, quelle horreur). Après le côté kitsch du film ne me dérange pas plus que ça. Et, enfin, le casting est raté. Kyle MacLachlan est trop vieux pour le rôle de Paul et ne montre pas assez la froideur, certes horripilante, mais si caractéristique du personnage dans le bouquin. Tandis que Sting n'est pas crédible pour un sou dans la peau du méchant Feyd, ressemblant plutôt à un punk sous acide.


J'espère que l'adaptation de Villeneuve prévue pour 2019 permettra de rendre un meilleur hommage à l'oeuvre de F. Herbert. Jusqu'ici, ses œuvres traitant de la science-fiction (Premier Contact, Blade Runner 2049) m'ont bien plu et ont su surtout créer un véritable univers original. Il a récemment annoncé qu'il souhaiterait réaliser le film en deux parties, ce qui est déjà une bonne nouvelle.

laphinoiterie
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le 9 août 2018

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