Alors que la version de Lynch offrait des décors théâtraux et aux effets kitchs, Villeneuve apporte lui, un caractère plus moderne, plus sombre et contemplatif, sans user d'effets spéciaux à outrance. Une belle idée par le choix inspiré des décors naturels de la Norvège et de la Jordanie qui donnent de l'envergure et un certain réalisme à l'exercice. Tout est bien calibré, Villeneuve soigne sa mise en scène, ses plans de caméra et on retrouve le choix de ses couleurs oscillant entre le mordoré de la planète et les tons ternes usuels pour un Dune version dépressive propre aux ambiances du cinéaste.
On est séduit par les plans d'ensemble pour des effets grandioses à rendre la dangerosité du site, les sables mouvants d'Arrakis, les Shai-Hulud inquiétants et pourtant peu visibles et on se régale des engins motorisés, telles des libellules électriques et des décors intérieurs feutrés. Les 2h30 de visionnage se suivent avec plaisir.


La première partie accroche et donne les éléments à la compréhension en s'attachant au parcours initiatique de Paul tout en introduisant les divers personnages. Le montage alternant parfaitement les visions de Paul à l'action en cours, adoucit l'œuvre, prenant le temps de poser son contexte. On sent la volonté du réalisateur d'imprégner son récit des enjeux actuels géopolitiques et de profit, avec la problématique de l'eau et en filigrane les dangers des croyances pour un peuple manipulé qui attendrait le Messie. A part quelques fulgurances de combats, et celle bien trop vite expédiée entre les Atréides et les Harkonnens, la seconde partie se résume, à la fuite de Paul et de Jessica et Villeneuve en oublierait presque la complexité de son intrigue par excès de technicité et d'esthétisme.
Malgré une traversée de tempête assez prenante, ici il est difficile de craindre pour nos héros, ceux qui doivent mourir nous salue et les autres continuent en milieu hostile avec une facilité déconcertante.
On regrette alors que Villeneuve reste sur une version sans sursaut -mais sans défaut de rythme-, nous montrant toute l'étendue de son talent de bon faiseur, aux passages obligés et au catalogue d'acteurs peu ancrés pour certains d'entre eux. Mention spéciale à Javier Bardem, totalement hors jeu, et au passage en coup de vent de Josh Brolin. Jason Momoa nous défoulera un instant en guerrier prêt au sacrifice pour la juste cause, mais Charlotte Rampling, David Bautista, et Stellan Skarsgård, dans le rôle du Baron, nous font juste l'honneur de leur présence. On remarque alors Oscar Isaac impeccable dans le rôle du Duc Leto, humaniste convaincu et évidemment trahi, Dame Jessica (Rebecca Ferguson) au personnage tourmenté, mais pas loin non plus de la seule représentation. Son binôme avec son fils Paul (Thimothée Chalamet), est bluffant, tant ils semblent mère et fils. L'acteur, jouant de son jeune âge pour marquer sa vulnérabilité et son idéalisme, tout autant que son recul à la lourde tâche à accomplir, est parfaitement choisi.


On attend alors la suite avec l'espoir de mieux cerner la résultante de ces combats pour l'épice, réduite ici à de la poudre aux yeux, et d'une meilleure approche de la mainmise de l'Impérium, du poids des membres de la Guilde, et des mystérieuses sœurs de l'ordre du Bene Gesserit. On espère qu'il y aura plus de matière, plus de batailles et de personnages plus fouillés sans que les Fremens soient réduits à un rêve qui retombe comme un joli soufflet. Et que dire de ses invisibles, prompts à se chamailler pour un combat de coq, balayant tout le mystère de leur tribu par des considérations bien primaires en regard des risques et des enjeux à la survie.


On passera gentiment sur la voix off introductive particulièrement didactique et une musique -pas toujours- envahissante de Hans Zimmer mais on nous épargnera l'humour fatiguant des blockbusters ou le trop plein d'action explosive. Dommage, on aurait aimé plus d'étrangeté, de poésie et d'émotion, que laissait présager le parti pris du cinéaste.


A suivre, donc.

limma
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le 24 oct. 2021

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