Béni soit le Faiseur et son eau. Bénies soient ses allées et venues.

Dune. Arrakis. Desert Planet. Origin of the Spice Melange, guarded by Shai-Hulud...
Le Duc Leto Atréides est désigné, par l'Empereur Padishah Shaddam IV, comme nouvel intendant de la planète désertique Arrakis. Egalement appelée Dune, cette planète, bien que située aux confins de l'Univers Connu, en est pourtant le centre stratégique car elle représente l'unique source de sa substance la plus précieuse, l'Epice, qui non seulement prolonge substantiellement l'espérance de vie de qui en consomme régulièrement, mais permet aussi la préscience, indispensable aux Navigateurs de la Guilde Spatiale pour guider leurs gigantesques vaisseaux instantanément et sans encombres d'un recoin de l'espace à l'autre. Et donc, quoi qu'il en coûte, l'approvisionnement d'Epice ne doit jamais se tarir... Mais si l'Intendance d'Arrakis semble promettre à la Maison Atréides un énorme gain de richesse, ainsi que de pouvoir au sein du Landsraad composé des grandes puissances de l'Empire Galactique, elle peut également constituer un danger mortel. En effet, l'ancien Intendant de Dune n'est autre que le terrible Baron Vladimir Harkonnen, chef d'une Maison qui est depuis des siècles l'ennemie héréditaire de celle des Atréides. Et le Baron, forcé dans un premier temps d'abandonner sa place forte, ne compte pas renoncer aussi pacifiquement à une telle richesse et un tel pouvoir... Leto saura-t-il survivre à ce piège? La clé du contrôle de Dune semble liée à la notion de "Pouvoir du Désert", pourtant méprisée par les Harkonnen en leur temps. Les Atréides sauront-ils conquérir ce pouvoir? Les Fremen, mystérieuse peuplade autochtone vivant dans le désert profond malgré l'absence quasi-totale d'eau et le danger qu'y représentent les gigantesques Vers des Sables, seront-ils des alliés ou d'autres ennemis encore plus redoutables? Et quel destin y attend le jeune Paul Atréides, fils unique donné au Duc par Jessica malgré l'interdiction des Soeurs du mystérieux ordre Bene Gesserit dont elle fait partie? Les visions mystérieuses, magnifiques ou inquiétantes, qui viennent au garçon lorsqu'il est au contact de l'Epice, sont-elles celles d'un avenir terrible et inextricable, ou bien pourra-t-il tracer sa propre voie envers et contre les prophéties qui semblent annoncer sa venue? Dune elle-même en décidera...
Comment adapter au cinéma une saga de SF aussi gigantesque que celle-ci? "Dune", c'est un véritable livre-univers, dans lequel tout est interconnecté à un niveau ou un autre. Son récit est passionnant, trépidant, mais aussi profondément poétique, politique, philosophique, et même métaphysique. Un peu à l'image du Seigneur des Anneaux de Tolkien, cette saga de Frank Herbert a longtemps été considérée comme inadaptable au cinéma. De la première tentative avortée de Jodorowsky dans les années 70, pharaonique mais complètement barrée, à la série tv pleine de bonnes intentions mais mal produite en 2000, en passant par la très controversée, mais indéniablement percutante, adaptation de David Lynch en 1984, les preuves d'une impossibilité de retranscrire à l'image à la fois la beauté de cet univers, et toutes ses complexités, tout en restant fidèle à l'essence de la saga, semblaient s'accumuler...
Puis survint Denis Villeneuve, qui grâce à ses succès de plus en plus importants au box-office, notamment dans le genre parfois casse-gueule de la SF, se forgea une réputation et un statut extrêmement puissants à Hollywood. Et, ô joie, il se trouve que ce puissant réalisateur québécois est aussi un grand fan de "Dune", qu'il a toujours rêvé de s'attaquer au chef-d'oevre d'Herbert pour le grand écran, et que son statut lui permettait, non sans avoir bataillé, d'obtenir d'énormes moyens, ainsi qu'une carte blanche artistique, pour accomplir cette tâche titanesque! Du moins pour la moitié du 1er livre de la saga, croisant les doigts pour que son succès au box-office permette le feu vert à la production de la suite...
A l'annonce du projet et des intentions de Villeneuve, l'espoir renaissait donc chez celles et ceux qui, comme moi, rêvaient encore de voir portés sur grand écran le parcours de Paul Atréides, la lutte de sa noble Maison avec celle des brutaux et cruels Harkonnen, les machinations, complots, manipulations des principales forces politiques de cet univers que sont son Empereur Shaddam IV, les redoutables Soeurs du Bene Gesserit et leurs plans secrets, l'incontournable Guilde Spatiale et ses Navigateurs sans lesquels replier l'espace grâce à l'Epice serait impossible... Et j'en passe...
L'espoir donc, mais aussi la peur. La peur d'une déception à la hauteur d'attentes que nous tentions alors de garder mesurées. Mais en mon for intérieur me revenait alors ce mantra du Bene Gesserit qui commence ainsi : "Je ne connaîtrai pas la Peur, car la Peur tue l'Esprit. La Peur est la petite mort qui conduit à l'oblitération totale"... Après tout, si Peter Jackson avait réussi avec maestria l'adaptation du Seigneur des Anneaux, pourquoi Villeneuve ne pourrait-il pas en faire de même avec "Dune"?
C'est donc avec bien plus d'espoir que de peur que j'ai pris place hier dans un fauteuil d'une salle comble de mon cinéma habituel, trépignant d'impatience de voir se concrétiser les promesses des bandes annonces aux images si alléchantes.
Et pour ce qui est des images justement, le plaisir fut total! Pas la moindre fausse note visuelle dans ce métrage de plus de 2h30. Des costumes superbes, des décors splendides aux environnements variés et toujours cohérents, en accord avec les êtres qui les peuplent, des effets spéciaux hyper maîtrisés, au service de l'intrigue et de l'image, jamais gratuits. Autant d'éléments qui respirent une farouche volonté d'être aussi fidèle que possible aux descriptions de Frank Herbert dans ses bouquins. Mention spéciale aux ornithoptères d'ailleurs, réussite absolue sur ce point!
Autre aspect ultra réussi, ce "Dune" fourmille de scènes d'action, batailles, combats, excellemment réalisées, qui viennent enrichir ce qui sur le papier n'était qu'effleuré par Herbert, et qui, là, rend encore plus épique le souffle de ce space opera, efficacement magnifié par a très inspirée et inspirante musique d'un Hans Zimmmer qui renoue avec ce qu'il a pu composer de meilleur! La plus belle illustration de cette réussite étant la scène de la chenille récolteuse d'Epice, juste grandiose!
Au niveau scénaristique, Denis Villeneuve a fait un vrai choix, qui ne pourra satisfaire tout le monde parmi les fans de la saga, celui de mettre Paul, fils du Duc Leto Atréides et de sa concubine Dame Jessica, au centre de l'histoire. Un choix qui se défend totalement, étant donné que Paul est effectivement dans le livre le protagoniste majeur, mais qui au cinéma induit une série d'autres choix potentiellement polémiques. En effet, en 2h30 de film il est impossible de mettre en scène tout ce que la première moitié du bouquin raconte, et certaines interactions doivent donc inévitablement être sacrifiées. La conséquence directe de la place centrale de Paul dans le film est ainsi une simplification de certains des aspects les plus complexes des relations interpersonnelles et politiques de l'histoire de "Dune".
A ce titre, même si le Baron Harkonnen y est très impressionnant, sa grande cruauté et son intelligence machiavélique y sont moins mis en évidence que dans le livre, ou que dans la version de David Lynch dans laquelle il était proprement terrifiant. De même, son Mentat-Assassin, Piter de Vries, est presque réduit à une note de bas de page, ce qui peut être vu comme très dommage quand on sait son importance chez Frank Herbert. Sans parler, chez les Harkonnen toujours, de l'absence totale d'un autre personnage d'envergure...
Dans le même ordre d'idées, on pourra regretter, au sein de la Maison Atréides, l'omission quasi totale d'une crise interne très importante dans le livre, déterminante pour les parcours de plusieurs de ses protagonistes...
Mais, comme je l'ai dit plus haut, la logique du plan de Villeneuve se défend totalement à mon sens, car l'essentiel est bien présent dans son récit du parcours initiatique de Paul Atréides, impeccablement campé par un Timothée Chalamet habité. Un jeune homme comme les autres en apparence, mais qui recèle à son insu les fruits d'une sélection génétique minutieusement orchestrée au fil des siècles par le Bene Gesserit en vue de contrôler le destin de l'Univers tout entier... Et le grain de sable qui risque de faire dérailler ce plan minutieux également! Sa soif de découvertes, son envie d'en découdre, son impatience, mais aussi sa révolte face à une destinée qu'on semble vouloir lui imposer, son angoisse face à des visions incontrôlées et difficiles à interpréter, sa place difficile à assumer entre celle d'héritier du Duc, l'enfance qu'il quitte à peine, et l'incompréhensible ferveur que son arrivée sur Arrakis semble déclencher parmi ses populations autochtones... Autant de questionnements, de luttes intérieures, que l'interprétation de Chalamet et la mise en scène de Villeneuve retranscrivent admirablement à l'image. Si on n'a encore jamais lu Dune, je pense qu'on ne peut qu'avoir terriblement envie de découvrir ce que le jeune Paul fera de tout cela. Et si comme moi on a lu chaque volume plusieurs fois, on se délecte de vibrer à l'unisson de ce "Lisan al Gaib", cette "voix d'Ailleurs", au fur et à mesure que sa destinée se déploie devant lui!
Chalamet est d'ailleurs loin d'être l'unique atout du formidable casting de ce nouveau "Dune". D'Oscar Isaac à Zendaya, en passant par Rebecca Ferguson, Dave Bautista, Javier Bardem, ou encore Stellan Skarsgard, sans oublier Charlotte Rampling, Josh Brolin, et Jason Momoa, tous les personnages incarnés par ce cast cinq étoiles le sont à la perfection! Un régal de les voir aussi bien servis, correspondant à merveille à ce qu'ils et elles sont depuis près de 60 ans sur le papier!
Satisfaction personnelle non négligeable d'ailleurs, le maître d'armes Duncan Idaho, justement incarné par Jason Momoa, a droit dans cette version contrairement à celle de Lynch, à un traitement correspondant bien davantage à sa place dans la saga. :)
Enfin, j'en arrive aux Fremen, au Tanzerouft (le Désert Profond), et à Shai-Hulud, les léviathans des sables. Ces aspects primordiaux de "Dune" tenaient particulièrement au coeur de Denis Villeneuve, et cela se voit immédiatement. Du distille (tenue du désert servant à économiser l'humidité du corps) au Bleu de l'Ibad (couleur des yeux des Fremen, induite par leur alimentation saturée d'Epice), de l'océan de dunes aux tempêtes Coriolis (des vents de sable allant jusque 800km/h), tout est PAR-FAIT! Tout comme les attitudes corporelles du peuple du désert, leurs regards farouches, la danse du sable... Et Stilgar, crevant l'écran grâce à la présence phénoménale d'un Javier Bardem qui, en deux scènes à peine, laisse un souvenir impérissable, doublé d'une impatience à le voir davantage dans la suite! Quant à Shai-Hulud (nom mystique donné aux Vers par les Fremen), Villeneuve ne nous le révèle que progressivement, mais avec un impact allant crescendo au long du film, servi là encore par une mise en scène intelligente préférant la mystique au tape-à-l'oeil. Tout petit bémol de ma part : le Signe du Ver n'est pas totalement complet... Mais c'est un détail.
Bref, malgré quelques manques (à l'instar de Tom Bombadil chez Peter Jackson) par rapport à l'oeuvre originale, cette première partie de "Dune" made in Denis Villeneuve tient à mon sens toutes ses promesses. Subsiste forcément une certaine frustration à la fin de la séance, puisqu'il faudra patienter probablement au moins 2 ans, peut-être même plus, avant de voir s'achever l'adaptation du premier roman de la magistrale saga de Frank Herbert entamée ici, mais j'y ai pris tant de plaisir, tout comme je prends plaisir à en parler dans cet article en me remémorant le film, que je sais déjà que j'y retournerai, très certainement plus d'une fois.
Un bon gros 9/10, susceptible d'être revu à la hausse lorsque la 2nde partie complètera ce qui, pour moi, ne sera alors qu'un seul film, gigantesque! Comme un Ver du Tanzerouft... :D

CharlesLasry
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Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à sa liste Mai-Décembre 2021, retour dans les salles, enfin!!!

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le 15 sept. 2021

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Charles Lasry

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