À l’instar des Fremen rêvant du Messie, nombre d’aficionados de Dune attendaient de pied ferme la revisite de Denis Villeneuve, bien longtemps après l’essai culte (mais raté) de David Lynch. Mais curieusement, si ce dernier était plus bigarré et improbable dans son habillage, son successeur met en exergue leur fidélité narrative et structurelle vis-à-vis de l’œuvre de Frank Herbert.


Nul besoin toutefois de ressasser davantage le passé ou de s’épancher en comparaisons malvenues, à raison de plus que les deux cinéastes n’ont proprement rien à voir. De fait, le présent Dune est symptomatique du parcours du canadien, surtout dans le sillage d’un certain Blade Runner 2049 : ainsi, la « nouvelle » coqueluche des studios hollywoodiens poursuit sa folle percée dans le domaine de la science-fiction, s’autorisant une fois encore le dépoussiérage d’un mythe.


Indubitablement, la majorité de retours élogieux démontre que Villeneuve a transformé l’essai, soit. Pour autant, les atouts et atours de Dune se mesurent à l’aune de ses propres faiblesses : la majestuosité de Caladan et d’Arrakis, les décors grandioses et les costumes sobres mais léchés sont un régal, marque et signature d’une production s’étant donné les moyens de faire honneur au matériau originel ; dans le même temps, la gravité et pesanteur des plans, cadres et paroles confère au tout une envergure telle qu’elle frise l’écrasant, du genre de celles qui broient les personnages et détails.


Paradoxalement, cette froideur proprement royale, parcimonieuse en ce qui concerne les effets pyrotechniques (qui sont, il faut bien le reconnaître, du meilleur effet), est partie tenante de l’identité de Dune et, donc, de son succès. Nous pourrons surtout regretter que la chaleur que nous promettait la planète-désert soit à ce point édulcorée, la photographique grisâtre de Greig Fraser drapant d’un voile fin mais tangible ce lieu hostile pour l’Homme ; dans un autre registre, la partition de Hans Zimmer est certes totalement dans le ton du long-métrage, mais nous sommes bien en peine de nous en satisfaire pleinement, l’impression de redite (Blade Runner 2049, encore lui) et l’empreinte monocorde de son ampleur achevant de la rendre oubliable.


Côté distribution, le bilan n’est pas aussi nuancé, les têtes d’affiches parvenant à s’imposer en dépit d’un formalisme prédominant : à l’image d’un Timothée Chalamet comme un lézard au soleil, le charisme d’Oscar Isaac, Rebecca Ferguson et consorts opère à n’en plus finir tandis que, dans un tout autre registre, Stellan Skarsgård donne brillamment vie et corps à l’horreur qu’est le baron Vladimir Harkonnen.


Au global, Dune constitue donc un bien bel objet, peut-être trop poli à certains égards mais indéniablement ambitieux comme louable dans sa démarche. Reste à voir ce que délivrera sa suite, à raison de plus qu’elle couvrira le segment le plus faible du film de Lynch : notre curiosité n’en sera donc que plus forte.

NiERONiMO
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le 8 oct. 2021

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