Vous avez demandé une guerre ? Ne quittez pas.

Nolan est pour moi un mystère. Autant je peux aisément tomber en amour de son talent pour la mise en scène, autant parfois, je reste un peu sur ma faim, en ayant l'impression qu'il a trop voulu en faire, ou qu'il n'est pas allé assez loin dans sa vision. Paradoxal.


Dunkerque est un bon film, rassurez-vous. Mais je ne le qualifierai pas de "très" bon film. C'est pas du grand Nolan comme il nous en a déjà offert. En même temps, le sujet est difficile. Se concentrer sur un paragraphe de la Seconde Guerre Mondiale, l'Opération Dynamo, est un exercice très délicat, car il demande de zoomer et de créer de l'émotion sur un passage de l'histoire qu n'est pas, à proprement parler, celui dont on pensera en premier. Je reconnais toutefois que la mission est accomplie, même si pas dans son entièreté.


Le souci majeur, avec Dunkerque, ce sont les personnages. Aucun relief, aucun background. Comment peut-on imaginer ressentir de l'empathie pour des soldats de qui on ne sait rien ? Certes il faut ouvrir un peu les vannes empathiques et ne pas oublier que ces types ont vécu l'enfer, le véritable enfer (le devoir de mémoire l'impose), la déshumanisation qu'implique une telle situation, mais dans le cadre d'un hommage, je pense que Nolan aurait vraiment du nous apporter des détails et plus de vie à ces braves types qui ont laissé leur peau dans ce conflit. Ici, on ne parvient pas à s'y attacher. C'est à peine si j'ai retenu un nom. Impossible, en plus, de les différencier facilement. L'uniforme y est pour beaucoup, n'oublions pas qu'un soldat est avant tout un matricule, donc... Ne pas leur donner (ou leur donner très peu) de personnalité et de relief, c'est se garantir un détachement.


Les timelapses, dont Nolan raffole, sont ici mal utilisées. Des informations temporelles nous seront données en début de film mais ne seront jamais plus exploitées, faisant rapidement retomber l'effet et nous demandant alors de comprendre par nous-mêmes à quel instant nous nous situons. Enfin, ceci n'est qu'un détail.


Pour le reste, c'est tout de même bon. La plus grande force de Dunkerque réside selon moi dans son ambiance : d'une lourdeur et tension palpables. La musique y est pour beaucoup, certes, Zimmer a fait un travail admirable de sonorités angoissantes, mais il n'y a pas que ça ! Jamais on ne voit un soldat allemand (enfin si, mais...), rendant la menace sourde et sournoise. Et la mer m'a rarement semblé aussi menaçante, sans qu'il n'y ait la moindre tempête. Cette étendue vide, légèrement dé-saturée, nous donne la sensation que la manche est un charnier, rendant l'Angleterre, "Home", loin... Si loin, que quelques heures de bateau deviennent un périple mortel.


C'est du bon Nolan.
C'est pas du grand Nolan...
Mais ça reste du bon Nolan.

Le-Dank
6
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Vus en 2020

Créée

le 11 mars 2020

Critique lue 102 fois

1 j'aime

Le Dank

Écrit par

Critique lue 102 fois

1

D'autres avis sur Dunkerque

Dunkerque
Sergent_Pepper
4

Sinking Private Nolan

Voir Nolan quitter son registre de prédilection depuis presque 15 ans, à savoir le blockbuster SF ou du super-héros, ne pouvait être qu’une bonne nouvelle : un écrin épuré pour une affirmation plus...

le 22 juil. 2017

199 j'aime

37

Dunkerque
guyness
4

Effets de Manche

J'ai pleinement conscience de l'extrême prudence, de la taille des pincettes qu'il me faut utiliser avant de parler sans enthousiasme excessif d'un film de Christopher Nolan, tant ce dernier a...

le 22 juil. 2017

178 j'aime

56

Dunkerque
Halifax
9

La Grande Evasion

La jetée, une semaine La mer, un jour Le ciel, une heure Trois lieux, de multiples histoires, un seul objectif : s'échapper pour survivre. Christopher Nolan ne s'embarrasse pas de contexte. Puisque...

le 18 juil. 2017

160 j'aime

8

Du même critique

Le Cinéma de Durendal
Le-Dank
8

Dur dur...

Voilà bien des années que je suis un fervent spectateur du Cinéma de Durendal et que je me sens chaque fois un peu plus offusqué de la violence des réactions qu'il suscite... Plusieurs raisons à cela...

le 11 févr. 2020

11 j'aime

4

Une époque formidable...
Le-Dank
7

Quelque chose a t-il changé ?

Y'a pas à dire, Jugnot, c'est quand même un sacré p'tit mec. Au-delà de sa filmographie comique et populaire, ses satyres sociales m'ont toujours beaucoup plu. Son physique et son oeil lui donnent...

le 9 févr. 2020

4 j'aime

Jojo Rabbit
Le-Dank
9

Moi Jojo, 10 ans ½, 1m39

Je ne connaissais pas encore le travail de Taika Waititi. C'est maintenant chose faite. Quel film subtil ! Jouant habilement entre feel good movie et drame, Jojo Rabbit est un petit ovni qui arrive...

le 8 févr. 2020

4 j'aime