Alors qu’en ce début d’été 2017 Luc Besson est bien parti pour une grosse foirade critique avec son adaptation de Valérian et la cité des milles planètes, et que Matt Reeves épate avec le dernier volet de la trilogie de reboot de la licence de La Planète des Singes : Christopher Nolan continue d’élargir un peu plus les genres auxquels il s’attaque. Après le thriller, le drame super-héroïque ou sur fond de prestidigitation et la science-fiction, l’auteur à twist a préparé lentement mais surement une retranscription sur écran de l’évacuation des soldats alliés des plages de Dunkerque en 1940 durant la seconde guerre mondiale.


Avant d’être un adorateur parmi tant d’autres de Nolan, il m’a fallu un certain temps avant d’adhérer pleinement à son cinéma : que ça soit la verbalisation de ses dialogues extrêmement présent et détaillé, les retournements de situations, et surtout sa durée dont le record est tenu pour l’instant par son dernier bijou en date, Interstellar. Mais aussi une qualité évidente pour pousser les prouesses techniques de mise en scène et des trucages dans plusieurs de ses long-métrage, à l’image d’une scène d’action en apesanteur dans le couloir d’un hôtel dans Inception ou la course-poursuite dans Gotham City dans The Dark Knight : Le chevalier noir.


Le cas Dunkerque laissait planer plus d’incertitude que ses précédentes production, en tout cas avant qu’il ne reçoit accueilli à bras ouvert par les critiques. A commencer par le genre choisit tant on imagine mal Nolan s’attaquer à un film de guerre ou encore la durée du film très amincie par rapport à précédemment. Et surtout, une énorme baisse de régime au niveau des dialogues qui se confirmera dés les premières minutes.


Pour narrer l’opération Dynamo, l’auteur des reboot Batman opte pour un choix atypique comparé à quasiment tout ses autres films : s’appuyer uniquement et pleinement sur l’aspect sonore et visuelle. Dans le cas présent, pas d’exposition des personnages avant de les présenter en détail, et pas de ligne de texte pour nous faire connaître les soldats, navigateurs ou aviateurs que l’on suivra pendant ces 1h45. A l’image des premières minutes donnant le ton avec une traversée silencieuse dans Dunkerque entrecoupée de texte introduisant aux faits retranscrit jusqu’aux coups de feu allemands abattant froidement chaque soldat à l’exception d’un. Chaque séquence de tension et de patience sont pensés et montés pour que le spectateur s’y sente présent (d’où la sortie du film en IMAX dans plusieurs salles). Tout le film joue presque que sur l’attente et l’angoisse face à un ennemi qu’on ne peut voir mais dont on ressent la présence à chaque moment que Nolan alterne avec les scènes de La Jetée, la navigation du capitaine civil Dawson de plus en plus proche du conflit et dont le soldat récupéré en cours de route fait office de stress supplémentaire ou encore la traversée du ciel sur une durée d’une heure contre une journée pour le voyage en Mer et une semaine sur la Jetée.


C’est d’ailleurs en voyant ces soldats se débattre pour survivre et évacuer les plages du nord de France que l’identification du spectateur se fera. On sait et on sent qu’ils peuvent se faire abattre à tout instant, Nolan garde constamment une proximité avec la caméra auprès des principales figures suivi pour bien nous le faire savoir. Et il laisse davantage libre cours à l’interprétation du public pour se faire une idée de certains personnages dont on montre les actions mais pas leur passé. Un soldat enterrant un autre et tendant à boire à Fionn Whitehead, un commandant de la Royal Navy expérimenté (joué par un Kenneth Branagh que j’ai été très heureux de revoir dans un film) ou bien simplement partagé chaque instant d’attente avec des hommes tout ce qu’il y a de plus ordinaire qui sont soumise à l’attente dans un enfer jamais très loin d’eux. Portée par un casting dirigé de main maître, d’un simple soldat joué par Harry Styles en allant au capitaine civil Dawson interprété par la révélation de 2015 Mark Rylance.


Christopher Nolan privilégie toujours les effets réels aux effets numérique, Dunkerque n’y prête pas exception de ce côté là. Découpant le film en 3 segments narratif d’une minutie de maîtrise irréprochable au niveau du montage, Nolan reconstruit aussi réalistement que possible les décors tant avec ces plans larges (à la photo sobre et léchée) sur les plages de Normandie qu’avec les navires de l’époque ou les avions britannique civil comme militaire, ou allemands. Même le nombre de figurant recruté y est pour beaucoup dans cette reconstitution, à l’image de ce plan (difficile à oublier) en légère plongée le long du ponton de la jetée ou tout les soldats de baissent à l’approche d’un avion allemand prêt à bombarder le terrain.


Tout les instants d’enfermement se transforment en piège à rat humain (à l’image du cargo transportant les soldats recueilli loin d’être à l’abri des assauts aérien ou sous-marin ou du bateau échoué sur la grande plage de Dunkerque servant de cible d’entraînement pour les allemands) à l’intérieur duquel on ne peut qu’attendre et espérer un miracle.


Une libération se fait attendre jusqu’au croisement de Timeline entre les trois endroits on est suivi le conflit, croisement qui devient décisif pour le devenir de chacun des personnages que l’on devra suivre d’ici là. Des personnages ordinaires, auquel on s’identifie pas individuellement mais en groupe car chacun agit avec une cohérence de ton et de situation.


Je suis en revanche moins enclin à l’éloge par rapport au travail musical d’Hans Zimmer (surement le seul point auquel je crierais pas à la grosse réussite). Si avec l’imagerie et l’intensité qui se dégage des conflits et de l’attente invivable des soldats britannique et français elle trouve un sens et un intérêt, elle est en revanche beaucoup plus dispensable en écoute simple et horriblement répétitive.


En quelques lignes : Dunkerque est à vivre comme une expérience et une évolution du cinéaste. Nolan délaisse la longueur habituelle de ses histoires pour un film de guerre qui se suffit sur une durée plus courte mais n’en oublie pas de rendre vivant et physiquement intense ce qu’il met en image. Il prouve ses talents d’équilibriste tant dans l’écriture que dans le montage pour rendre immersif à son summum un événement réel qui a son importance dans la seconde guerre mondiale. Bref, un film qui mérite pleinement d’être vécu en salle de cinéma !

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le 20 juil. 2017

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