la Gare du Nord a Paris a change de couleur, elle a ete nettement rajeunie.. mais elle demeure un lieu de rencontre plus ou moins hasardeuses... Apres l'homme blesse de P. Chereau c'est Daniel, qui semble isole dans sa vie de cadre aise, et qui cherche un peu d'evasion dans ses halls... et une fois le parti pris de le suivre et, tout comme lui, de vite abandonner son univers peuple de signes d'une vie bien installee avec ses symboles si ephemeres tels qu' un appartement bien decore, et bien equipe, nous sommes invites a changer de monde, par effraction, dans celui de ces bandis venus de l'est, ou les valeurs sont tout autres, ou la domination du plus fort echappe a notre logique, ou une vie parallele peut exister aux depens des autres et dont les regles semblent indestructibles... Et a l'interface de ces 2 mondes il y a, Rouslan, charge des blessures de son passe torpille par les luttes autour de l'Ukraine et la Tchechenie, qui fait le grand ecart pour pouvoir exprimer son amour pour Daniel, en proie a cette fascination inexplicable qui s'est invitee lors d'un mauvais malentendu originel, sur base de sexe achete a la sauvette. Le lien qui les reunit va vite devenir tangible, multiforme, superbement incarne par les 2 acteurs principaux, l'un - Kirill Emelyanov - d'une grace hors de toute atteinte, et l'autre - Olivier Rabourdin - qui dans son enveloppe solide et marquee par l'experience de la vie, revele une sensibilite complexe et riche. Ils parviennent sans difficulte a nous tendre ci, pour nous forcer a vouloir comprendre quels pourront etre les ressors de leur histoire, et la, pour esperer a tout moment qu'elle pourra s'epanouir pleinement en depit des obstacles violents de la bande russe qui semble ne pas avoir de pitie pour l'humanite. Pris dans la force du recit, j'ai ete reellement tetanise dans la seconde partie a l'idee que la violence aurait le dessus et que, pris dans un chausse-trape sans issue ni logique, Rouslan allait disparaitre et emporterait dans sa mort le reve de Daniel de vivre avec lui... Alors oui, apres ces scenes 'haute tension' de la trampe des thrilers de guerre des gangs a rebondissement, la fin est un peu rapidement souriante... a l'image de ces plans au sortir du palais de justice en plein soleil, ou les 2 hommes, enfin libres d'etre proches dans les dimensions qu'ils definiront eux-meme, semblent se tenir la main sans se toucher, et etre definitivement lies l'un a l'autre par un fil invisible et incassable.
Toutes les sensations fortes qu'a provoquees le film chez moi sont evidemment aussi le resultat d'un travail precis et detaille de Robin Campillo qui parvient a jouer sur le registre de l'extreme sensualite, comme lors des scenes intimes ou Rouslan et Daniel voient leur lien se construire et changer de nature a chaque rencontre, ou sur celui de la violence qu'il travestit d'une choregraphie envoutante et a l'energie irresistible. L'utilisation qu'il fait des corps est d'une efficacite deroutante... Et puis il y a ce parti pris qu'il adopte, qui nous prend a contre pieds des le debut et qui, contre toute logique fonctionne...
Bien heureux de ne pas etre passe a cote de cette oeuvre!
Nobuhiro
8
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le 6 avr. 2014

Modifiée

le 6 avr. 2014

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